IMPAC5

Le 3 février 2023

Sous mode de réservations

Bonjour,

Bien que je sois désolée de ne pas pouvoir être avec vous aujourd’hui, je tenais tout de même à vous adresser la parole, car je considère que le travail que vous accomplissez ici est fondamental. L’avenir de la planète, vous le savez très bien, est étroitement lié à la santé de nos océans.

Je remercie le comité organisateur de m’avoir invité à prendre la parole dans le cadre d’IMPAC5.

Permettez-moi d’abord de vous parler un peu de la vie des Inuits.

Les Inuits vivent depuis des millénaires à proximité de l’océan, en harmonie avec les animaux et les saisons. En fait, 50 % du littoral du Canada se trouve dans l’Inuit Nunangat. L’océan et les milieux marins font partie de notre mode de vie. Notre identité, notre perception du monde, nos histoires et même notre langue en sont intimement liées, du fait de milliers d’années de vécu, de connaissances et d’observations.

J’ai grandi au Nunavik, et je me souviens comment l’eau assurait la subsistance de ma famille et de ma communauté. Sans l’eau, ou sans la glace, c’était l’isolement pour nous. Telle est la réalité dans les régions éloignées : aucun réseau routier ne les relie aux autres régions. À l’époque, les déplacements se faisaient principalement en bateau l’été et en traîneau à chiens l’hiver. Aujourd’hui, on utilise le bateau et la motoneige. Cela est une réalité de la vie dans le Nord.

L’eau nous permettait aussi de subvenir aux besoins de nos familles. Elle représente une source importante de nourriture. Les océans et les rivières nous fournissent les poissons et d’autres formes de vie marine riches en protéines essentielles, en huiles oméga et en nutriments. Ces ressources assurent notre subsistance et nous permettent de continuer à vivre dans le Nord et l’Arctique.

Je vous raconte tout ça parce que j’ai appris quelque chose d’important très tôt dans ma vie : l’océan est non seulement important pour l’humanité, il est aussi un droit fondamental. Il est essentiel à notre existence collective et, par conséquent, chaque personne a le droit d’en bénéficier.

Nous avons tous et toutes droit à un océan en santé.

Ce Congrès rassemble plus de 120 pays. Tous reconnaissent la tâche monumentale à accomplir : préserver nos océans pour assurer notre avenir.

Et peu importe les langues que nous parlons, la superficie de notre territoire, notre culture ou notre climat, nous sommes connectés par nos océans. Faire progresser la conservation marine doit être une démarche inclusive visant à soutenir le patrimoine et l’environnement uniques et souvent menacés des communautés côtières et des nations insulaires. La culture, les langues, le bien-être social et l’économie de ces localités sont tributaires des océans. Ainsi, pour assurer leur avenir, nous devons nous mobiliser et prendre les mesures qui s’imposent pour protéger la nature et contrer les changements climatiques.

De toute évidence, nous avons besoin d’une approche commune pour traiter cette question mondiale.

Et nous ne pouvons plus attendre pour agir.

Un océan sain est essentiel à notre survie, et pourtant, nous ne l’avons pas toujours abordé de cette manière. Nous sommes devenus des experts du prélèvement dans l’océan – qu’il s’agisse de nourriture, de ressources ou de minéraux – mais nous n’avons pas su lui rendre la pareille. En fait, notre apport est plutôt nuisible, sous la forme de plastiques, de bruit ou de substances polluantes. Il nous faut absolument trouver un équilibre.

Nous devons adopter une approche à trois volets vis-à-vis de l’océan : ce qu’il nous apporte, ce que nous lui rendons et ce que l’avenir nous réserve.

Après tout, nous sommes tous en relation avec l’océan, que ce soit sur le plan social, culturel ou économique.

Prenons l’exemple de l’industrie du homard au Canada. Chaque année, nos exportations de homard s’élèvent à environ 3 milliards de dollars. En raison de la hausse des températures dans nos océans, il se peut que les homards ne veuillent plus rester sur leur territoire traditionnel. Il se déplacera pour trouver un endroit plus tempéré où vivre. Et il ne sera pas la seule espèce marine à le faire.

Pensez aussi à la fonte des glaces et des glaciers dans l’Arctique provoquée par les changements climatiques. Pour les Inuits, cela sous-entend la perturbation et la disparition de leur mode de vie traditionnel.

Cette même fonte des glaces entraîne également une hausse du niveau des eaux, ce qui met en danger les communautés côtières et les nations insulaires.

Le gouvernement de Tuvalu, par exemple, a entrepris de créer une version numérique de son pays afin de préserver son histoire, sa culture et sa langue. Si la situation reste inchangée, il y a de fortes chances que la nation soit engloutie par les eaux d’ici la fin du siècle.

Mais il y a encore de l’espoir, et je veux vous inciter à concrétiser cet espoir.

Nous travaillons déjà ensemble. Et tandis que nous poursuivons notre collaboration internationale et que nous essayons de changer nos habitudes, je nous encourage à réfléchir aux moyens d’assurer la durabilité de chaque océan – de chaque voie navigable – de les protéger et de les rendre aptes à soutenir l’humanité, pour les générations d’aujourd’hui et de demain.

Nous devons recenser les zones soumises à des pressions excessives et reconnaître les défis qui nous attendent avant qu’il ne soit trop tard.

Nous devons repérer les domaines dans lesquels il y a des lacunes.

Nous devons instaurer une coopération mondiale pour assurer la protection des océans.

Et nous devons chercher à mieux comprendre comment les océans influencent notre vie et comment nous influençons la santé des océans.

Au Canada, et dans d’autres pays, une telle approche nécessite une réflexion sur les relations en termes régionaux, culturels et linguistiques. Et le Canada doit également repenser sa relation avec les peuples autochtones et avec la terre sur laquelle ils vivent.

Il est important que plus de Canadiens et Canadiennes, et plus de gens dans le monde, comprennent à quel point les êtres humains sont liés et à quel point leurs actions influencent la santé des océans. Il nous faut sensibiliser les gens au-delà des participants au Congrès et des spécialistes du domaine. Il nous faut obtenir le soutien du public sur ces questions délicates, qui exigeront peut-être de grands changements dans notre façon de penser et de faire les choses.

Ce faisant, nous contribuons non seulement à la préservation des océans et à la lutte contre les changements climatiques, mais aussi à la promotion de la sécurité alimentaire, de la bonne gouvernance, de la maîtrise de l’énergie, de la sécurité nationale et de bien d’autres choses encore.

Cela passe par la réalisation de nos objectifs mondiaux en matière de protection des océans. Il faut notamment établir des partenariats non seulement avec les communautés côtières, mais aussi avec les peuples autochtones, qui sont les gardiens de cette terre depuis des temps immémoriaux. Ils ont beaucoup à nous apprendre.

Pendant longtemps, l’expression « conservation menée par les Autochtones » ne faisait pas l’unanimité. Aujourd’hui, on reconnaît l’importance du travail accompli par les peuples autochtones dans la protection de notre environnement. Il est grand temps que nous soyons à l’écoute de leur savoir.

L’avenir de la nature et de notre planète nécessite des partenariats avec les peuples autochtones. Leurs connaissances traditionnelles peuvent apporter des solutions à certains de nos problèmes. Je crois également que les partenariats en matière de conservation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis constituent un moyen concret de faire progresser la réconciliation au Canada.

Les intendants inuits du programme Nauttiqsuqtiit, par exemple, sont les yeux et les oreilles des communautés de la région de Qikiqtani. Ils assurent la gestion des milieux marins en surveillant la santé écologique de la région et en encourageant l’utilisation des connaissances traditionnelles inuites. Ils subviennent également aux besoins des communautés qu’ils servent en pratiquant une exploitation responsable de ces zones et en partageant leurs prises.

En Colombie-Britannique, on retrouve l’initiative Great Bear des Premières Nations de la côte, une alliance de Premières Nations de la côte nord du Pacifique qui se sont mobilisées pour avoir un meilleur accès aux ressources et un meilleur droit de regard sur la façon dont elles sont gérées.

Depuis la création de cette initiative, les membres se sont employés à conclure des accords novateurs avec le gouvernement provincial afin de s’assurer que les Premières Nations côtières jouent un rôle actif dans le développement d’une économie fondée sur la conservation. Il y est notamment question d’une planification optimale et responsable de l’utilisation de l’eau.

J’espère que nous tous – Canadiens et Canadiennes, ainsi que nos collègues à IMPAC5 – pourrons embrasser cette idée de conservation menée par les Autochtones.

L’océan est une force évolutive, et nous pouvons l’être aussi, si nous unissons nos efforts, si nous nous fixons des objectifs, si nous faisons preuve d’audace dans nos actions et nos idées. Nous pourrons ainsi changer le cours des choses.

Je vous encourage à vous informer, à partager vos connaissances et à œuvrer en faveur de la guérison de nos eaux. Ne pensez pas seulement aux gains à court terme, mais aussi à la planification à long terme. Quelles actions peut-on entreprendre aujourd’hui pour assurer la santé de nos eaux dans un siècle ou davantage?

Cette mission ne peut attendre et, bien que difficile, je sais que nous pouvons réussir. Je vous souhaite tout le succès possible dans vos démarches.

Merci.