Discours liminaire à l’intention des membres du Groupe de travail sur l’investissement social

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Toronto (Ontario), le lundi 8 juin 2015

 

Merci de votre amabilité.

Je suis ravi d’être ici pour la première rencontre au Canada du Groupe de travail sur l’investissement social!

C’est un moment très spécial pour chacun de vous, qui comprenez bien la capacité extraordinaire de l’investissement d’impact à améliorer notre monde.

C’est aussi une époque intéressante pour ceux qui cherchent assidûment des façons novatrices de relever les défis persistants et de créer des possibilités. Il y a longtemps que le Canada utilise une approche visionnaire, et ce, à bien des égards. Nous comprenons que l’innovation peut nous propulser vers l’avant, avec des solutions concrètes.

Les rêveurs et les grands penseurs derrière l’investissement d’impact sont des innovateurs dignes d’admiration. Pour avancer, il nous faut de tels esprits créatifs et des gens inspirés.

Il s’agit d’un moment particulièrement privilégié pour le Canada en ce qui concerne la finance sociale. La tenue de ce forum permettra aux Canadiens d’apprendre de leurs collègues internationaux et d’accroître l’attention accordée ici à l’investissement d’impact.

À l’heure actuelle, une impulsion croissante anime la finance sociale au pays. Il s’agit en quelque sorte de la deuxième vague du mouvement, et le Canada pourrait devenir un chef de file dans la promotion de ce mélange captivant d’innovation financière et sociale.

Pour les non-initiés, permettez-moi de retourner en arrière et d’expliquer de quoi nous parlons exactement.

Qu’est-ce que l’investissement d’impact?

La définition la plus citée, formulée par J.P. Morgan, le Global Impact Investing Network et la Fondation Rockefeller, décrit le concept comme des investissements visant à créer un impact positif au-delà des rendements financiers.

Bref, il s’agit d’exploiter le capital privé dans l’intérêt public, tout en procurant un rendement financier à l’investisseur.

Autrement dit?

Tout le monde y gagne!

Le Canada, comme ses partenaires du G7, est confronté à d’importants défis sociaux, environnementaux et financiers. Ces défis, comme la pauvreté et l’itinérance, le chômage chez les jeunes et les problèmes de santé chroniques, exigent des approches et une réflexion innovatrices, car les gouvernements et les communautés sont de moins en moins aptes à y donner suite adéquatement ou n’ont pas la créativité et la flexibilité nécessaires pour le faire.

C’est la mauvaise nouvelle.

La bonne nouvelle, c’est que nous ne manquons pas d’argent dans le monde pour relever ces défis. Le problème, c’est qu’il est immobilisé dans les marchés financiers. Il est détenu dans des placements qui produisent des intérêts, plutôt que d’être utilisé pour faire une différence, là où il serait plus utile.

L’investissement d’impact pose la question suivante : pourquoi ne pas utiliser cet argent à bon escient et rapporter un profit sain à l’investisseur? 

Ça me rappelle une de mes citations préférées de George Bernard Shaw :

« Certains regardent les choses comme elles sont et demandent ‘Pourquoi?’ Nous rêvons de choses comme elles devraient être et demandons ‘Pourquoi pas?’ »

Alors, pourquoi pas?

Cette question est particulièrement pertinente au Canada, un pays qui, depuis longtemps, allie rendements financiers et répercussions sociales, environnementales et culturelles.

Les coopératives de crédit, par exemple, ont fait leur apparition au Canada au début du 20e siècle pour soutenir les besoins financiers et sociaux des individus et des communautés. Les coopératives ont eu un impact à l’échelle du pays : du Québec, où Alphonse Desjardins a fondé la première Caisse populaire en 1900, jusqu’au Grand Nord, où les coopératives sont devenues une importante source de revenus pour les artistes inuits, en passant par les communautés agricoles des Prairies, de l’Ontario et du Canada atlantique.

Parmi les autres modèles de finance sociale, notons les initiatives de développement économique des collectivités, le financement solidaire, les institutions financières autochtones, le microfinancement, les partenariats public-privé et l’investissement socialement responsable, pour ne nommer que ceux-là.

Nous n’appelions pas ça « l’investissement d’impact » dans les années 1900, mais, si les objectifs sociaux et financiers n’étaient pas mutuellement exclusifs à l’époque, pourquoi, en l’absence de données convaincantes, devraient-ils l’être aujourd’hui?

Évidemment, le contexte a considérablement changé depuis, et nous devons trouver des façons novatrices d’actualiser notre approche de la finance sociale. L’investissement d’impact est une avenue intéressante vu sa capacité à appareiller des investisseurs et des entités émettrices qui, en plus de vouloir un rendement financier, veulent faire une différence.

Voilà le volet « investissement » de l’équation.

J’aimerais maintenant parler de l’autre volet, c’est-à-dire l’impact.

Il est essentiel de produire un impact. Pour cela, il faut absolument le mesurer.

La mesure est l’une des clés du succès. Il est somme toute assez simple de mesurer le rendement financier, mais il faut aussi démontrer comment les objectifs énoncés de la société émettrice se traduisent en un impact social mesurable. Là est le défi, parce que les biens sociaux, environnementaux et culturels peuvent être difficiles à quantifier.

Mais cela reste important pour assurer une diligence raisonnable et évaluer l’impact avec précision. La mesure permet de rendre compte du progrès, d’améliorer le rendement et de communiquer la valeur aux investisseurs actuels et potentiels. Elle crée un véritable cercle vertueux et aide à démontrer comment l’investissement d’impact renforce nos sociétés, de manière concrète.

Maintenant que j’ai parlé de l’impact et de l’investissement, j’aimerais brièvement aborder une autre pièce du casse-tête qui peut s’avérer utile : les fondations.

Les fondations ont un rôle important à jouer. En effet, au Canada, un bon nombre de fondations contribuent déjà au bien commun. À l’heure actuelle, les fondations canadiennes doivent distribuer 3,5 pour cent de leurs actifs annuellement. Cela représente une somme d’argent considérable, mais je ne peux m’empêcher de penser aux actifs restants des fondations, les 96,5 pour cent, qui n’ont probablement aucune répercussion directe sur leurs missions respectives.

En d’autres mots, les fondations canadiennes ont environ 50 milliards de dollars en actifs inutilisés. Ce qu’il y a d’intéressant dans la finance sociale, c’est que les nouveaux outils liés à l’investissement d’impact peuvent aider à libérer cette richesse accumulée, dans l’intérêt du bien commun.   

Comme vous le savez peut-être, le Groupe d’étude canadien sur la finance sociale et le Groupe consultatif national du Canada du Groupe de travail sur l’investissement social ont encouragé les fondations canadiennes à placer 10 pour cent de leurs actifs dans l’investissement d’impact d’ici 2020.

Je suis convaincu qu’une affectation de 10 pour cent à l’investissement d’impact aurait une incidence véritable sur le bien-être du pays. Je veux donc réitérer cet appel à l’action aujourd’hui.

Dix pour cent! Quel cadeau précieux à faire au Canada à l’approche de son 150e anniversaire, en 2017.

J’aimerais en profiter pour remercier et féliciter les fondations qui se sont déjà engagées à respecter cet objectif audacieux de 10 pour cent, soit les fondations communautaires de Hamilton, d’Edmonton et d’Ottawa.

Applaudissons-les chaleureusement!

Je sais aussi que la Fondation de la famille McConnell a quant à elle adopté une cible de cinq pour cent, et qu’elle l’a même dépassée.

Remercions également les bonnes gens derrière cette fondation et encourageons-les à aller encore plus loin!

Pour vous montrer que je joins aussi le geste à la parole, j’aimerais vous parler de la Fondation Rideau Hall, que nous avons créée après mon installation à titre de gouverneur général, en 2010.

Pour ceux qui ne connaissent pas bien Rideau Hall, il s’agit de la résidence officielle et du lieu de travail du gouverneur général à Ottawa. Par conséquent, mon épouse, Sharon, et moi y passons la grande partie de nos journées.

Le poste unique que j’ai le privilège d’occuper est chargé de connecter, d’inspirer et d’honorer les Canadiens. Nous avons créé la Fondation Rideau Hall pour en faire une tribune indépendante et apolitique qui réunit des Canadiens de tous les horizons autour d’objectifs communs.

Les Canadiens qui sont ici ont peut-être entendu parler de l’une des initiatives actuelles de la Fondation, c’est-à-dire la campagne Mes beaux moments. Cette campagne, qui est axée sur les médias sociaux, vise à renforcer la culture du don au Canada en encourageant les gens à raconter leur histoire pour stimuler le bénévolat et la philanthropie. C’est un exemple merveilleux de philanthropie 2.0 en action.

La Fondation aide à amplifier la portée et l’impact du bureau du gouverneur général. Elle nous permet de mener des initiatives qui favorisent le sens des valeurs et de l’identité chez les Canadiennes et les Canadiens, d’accroître le potentiel du Canada pour l’excellence et de renforcer nos efforts en vue de créer un pays meilleur. De plus, je suis heureux de vous informer que la Fondation cherche aussi des façons de travailler avec l’investissement d’impact.

J’aimerais maintenant revenir à la raison d’être de tout ceci. Pourquoi est-ce important?

C’est important parce que nous devons trouver de nouvelles façons de répondre aux défis complexes auxquels nous sommes confrontés et de saisir les possibilités qui se présentent.

Nous vivons à une époque marquée par le changement, et les gens et les sociétés qui sont capables de prendre les choses en main et de faire une différence ont la responsabilité de le faire. N’oubliez pas qu’avec l’arrivée de technologies absolument révolutionnaires comme l’Internet et les communications numériques, les questions deviennent aussi importantes que les possibilités.

En d’autres mots, certaines choses — bénéfiques et néfastes — qu’on n’aurait pu imaginer il y a une génération sont désormais possibles. Quelles sont-elles, et comment faire pour en maximiser les effets bénéfiques, tout en minimisant les effets néfastes?

Je terminerai mon allocution avec trois défis, trois objectifs liés à la finance sociale qui sont désormais accessibles.

Premièrement, j’incite à nouveau les fondations à placer 10 pour cent de leurs actifs dans l’investissement d’impact d’ici 2020.

Deuxièmement, j’encourage les gens à inclure des produits d’impact dans leur portefeuille d’investissement individuel.

Troisièmement, je mets les caisses de retraite au défi de diriger une partie de leur capital dans l’investissement d’impact. Les caisses de retraite peuvent produire un large impact vu l’énorme capital qu’elles contrôlent et parce qu’il s’agit d’un capital patient, qui se prête bien à l’investissement à long terme. Puisqu’il peut s’écouler plusieurs années avant que l’investissement d’impact ne produise un rendement financier, les caisses de retraite constituent des investisseurs idéaux, car elles n’ont pas besoin de la même liquidité à court terme que les autres investisseurs.  

Grâce à l’investissement d’impact, les individus, les fondations et les caisses de retraite peuvent promouvoir des changements positifs et contribuer à bâtir un monde plus averti et bienveillant pour tous.

Comme l’a fait George Bernard Shaw, je vous pose maintenant la question suivante :

Pourquoi pas?

Je vous remercie pour tout votre dévouement et votre bienveillance. Je vous souhaite le plus grand des succès dans votre important travail.