Doctorat honorifique en Écritures saintes du Collège Wycliffe

Ce contenu est archivé.

Toronto (Ontario), le lundi 12 mai 2014

 

Je vous remercie de m’avoir invité aujourd’hui. Je suis très heureux d’être ici.

Je veux dire merci au principal, aux membres de la faculté et aux étudiants. Je suis honoré de recevoir un doctorat de votre illustre institution. Je suis particulièrement touché de partager cet honneur avec un très proche ami et le chancelier de l’Université de Waterloo, M. Prem Watsa et avec un nouvel ami, le révérend Gordon Smith.

J’aimerais aborder brièvement trois grands thèmes aujourd’hui.

Tout d’abord, à titre de gouverneur général, j’aimerais vous communiquer ma vision du Canada en tant que nation avertie et bienveillante.

Ensuite, j’aimerais vous parler de ce collège et de sa mission.

Enfin, j’aimerais vous parler d’une occasion particulière qui s’offre à nous, dans le Canada d’aujourd’hui, et discuter de la manière dont elle se rapporte à mes deux premiers points. Je vous laisserai deviner de quelle occasion il s’agit.

Mon discours d’installation, prononcé il y a trois ans et demi, était intitulé : Une nation avertie et bienveillante : Un appel au devoir. Il était axé sur trois piliers : le soutien des familles et des enfants, la mise en valeur du bénévolat et de la philanthropie, ainsi que le renforcement de l’apprentissage et de l’innovation.

Ces trois piliers sont des aspects d’une nation prospère, mais, aujourd’hui, j’aimerais surtout mettre l’accent sur l’apprentissage et l’innovation comme moyen d’ériger un Canada plus averti et bienveillant, et comme sphère dans laquelle le Collège Wycliffe se distingue depuis longtemps, mais jouit encore d’un potentiel inexploité.

Dans ce contexte, je me permets de lier trois éléments : 1) John Wycliffe lui-même; 2) l’innovation qui a mené à la création de ce collège à la fin du XIXe siècle; 3) l’occasion dont je parlerai à la fin.

Grâce à son enseignement, qui nous a donné la première Bible en anglais, le théologien d’Oxford John Wycliffe a été un leader et un précurseur de la Réforme protestante. Puis, dans les années qui ont mené jusqu’en 1530, trois figures importantes ont permis au mouvement naissant de prendre toute son ampleur.

Il s’agit de Jean, Martin et Fred. Jean, c’est Johannes Gutenberg, qui a « inventé » l’imprimerie et qui, en dépit de cette réalisation, a fait faillite en 1453.

Martin, c’est Martin Luther, qui a traduit la Bible de l’hébreu et du grec dans la langue vernaculaire pour que tous puissent lire la parole de Dieu dans leur propre langue. Cet évènement a marqué le début de l’élimination des intermédiaires entre la religion établie et la doctrine.

Fred, c’est Frederick, électeur de Saxe, qui a protégé Luther dans son château pendant un an pour lui permettre de traduire la Bible. Sans lui, l’Église établie aurait empêché cette innovation. Luther, comme Tyndale en Angleterre, aurait été un martyr, et il n’y aurait pas eu de traduction de la Bible en allemand.

Tous trois ont été essentiels à la Réforme. Jean a apporté l’innovation technique, Martin, l’innovation sociale et Frédéric, l’innovation gouvernementale. Souvenez-vous que, plusieurs siècles avant les Européens de l’Ouest, les Chinois possédaient déjà l’imprimerie. Toutefois, si la Chine avait alors son Jean, il lui manquait son Martin et son Fred.

Cette innovation dans le domaine de l’apprentissage a permis à l’Europe de l’Ouest de sortir du Moyen-âge et de dépasser les civilisations chinoise, indienne et musulmane, plus avancées. Elle a mené à un essor des villes, à l’éradication du féodalisme et du droit divin des rois, à la révolution industrielle, à l’avènement de gouvernements démocratiques et à l’institution de l’éducation publique.

Maintenant, on me dit que ce collège‎ a été fondé à la suite d’un mouvement laïque, à la cathédrale St. James, après qu’un groupe du clergé eut fait campagne pour exclure les évangélistes des postes et comités importants du diocèse. Il a été inspiré par les thèmes doctrinaux de la réforme anglaise. Il a maintenu les droits de laïcité dans la gouvernance de l’Église, la simplicité du culte, les relations œcuméniques avec d’autres dénominations protestantes, en particulier dans le domaine de l’éducation postsecondaire.

Voilà les ingrédients d’une nation avertie et bienveillante : des citoyens à l’esprit vif et au cœur généreux.

Et ces leçons sont particulièrement pertinentes actuellement dans ce pays parce que nous vivons une révolution des communications annoncée par l’expansion d’Internet. Et cette révolution que nous vivons est beaucoup plus vaste, puissante et rapide que celle de Wycliffe, Gutenberg et Luther, à en juger par la transformation qui s’opère dans la façon dont nous communiquons et apprenons.

Rappelez-vous qu’il a fallu plus de trois siècles pour que la presse à imprimer se répande dans la majorité des pays de l’Europe de l’Ouest, alors que l’Internet a mis moins d’une décennie pour se répandre à l’échelle mondiale.

Il y a aussi une connexion locale, puisque trois des prophètes de cette révolution moderne des communications ont travaillé à seulement quelques mètres de l’endroit où nous nous trouvons. Je parle d’Harold Innis, de Marshall McLuhan et de Northrop Frye.

Pour citer McLuhan :

[Traduction libre] « Je ne l’aurais pas vu si je ne l’avais pas cru. »

Maintenant, permettez-moi d’aborder mon troisième thème, à savoir la grande occasion que nous avons dans ce pays de promouvoir la guérison et la réconciliation entre les Canadiens autochtones et non autochtones.

Il s’agit d’une occasion pour le Collège Wycliffe de jouer un rôle important.

À la fin du mois de mars, j’ai eu le grand privilège de participer au dernier évènement national de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, à Edmonton.

J’ai vécu une journée extraordinaire. Les pensionnats indiens seront à tout jamais parmi les pires injustices de l’histoire canadienne. Ils témoignent des torts profonds que nous pouvons causer lorsque l’inégalité, le paternalisme et le racisme prévalent sur notre sentiment commun d’humanité.

La réconciliation est de la plus haute importance, à la fois pour les personnes qui ont été directement touchées par les pensionnats, et pour notre pays dans son ensemble.

J’ai eu l’honneur d’être nommé témoin honoraire aux audiences qui ont eu lieu dans l’ensemble du Canada. Lors de celles-ci, des survivants des pensionnats, ainsi que des personnes qui participaient alors à la direction des écoles, se sont levés courageusement pour raconter leur histoire.

Mon rôle à Edmonton a consisté à écouter, réfléchir, puis promettre d’enseigner aux Canadiens l’histoire des pensionnats et leur impact dévastateur sur les personnes et les collectivités touchées.

En tant que chefs de file en matière de foi et d’éducation, les étudiants, les enseignants et la direction du Collège Wycliffe peuvent, eux aussi, jouer un rôle dans la réconciliation.

Certains d’entre vous connaissent déjà ce sombre chapitre de notre histoire. Ceux qui ne le connaissent pas peuvent écouter, apprendre et contribuer aux efforts déployés.

À l’avenir, bien sûr, il faut encourager une société qui respecte et célèbre la diversité. Une société fière de son patrimoine autochtone, ainsi que des nombreuses traditions que nous retrouvons ici au Canada et qui nous viennent de partout dans le monde.

L’éducation ne devrait jamais viser l’exclusion de cultures ou de visions du monde. L’apprentissage devrait plutôt viser l’ouverture, la croissance et l’inclusion, la découverte de soi, des autres et du monde qui nous entoure.

Je sais que vous êtes tous, en tant que membres de ce merveilleux collège, déterminés à rendre le pays et le monde plus justes et équitables. J’apprécie votre soif de connaissance et d’inspiration.

J’accepte avec humilité ce doctorat honorifique en Écritures saintes du Collège Wycliffe et vous remercie de ce grand honneur.

Je vous remercie également de vos efforts pour faire du Canada un pays plus averti et bienveillant.