Allocution devant les membres du New England-Canada Business Council et des dirigeants d’affaires

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Boston (Massachusetts), le mardi 28 mai 2013

 

Je vous remercie de votre accueil chaleureux et de m’avoir invité à m’adresser à vous aujourd’hui. Je mettrai l’accent sur la diplomatie du savoir et sur le rôle particulier que Boston peut jouer dans un monde où la connectivité et la concurrence revêtent de plus en plus d’importance.

D’abord, je tiens à vous dire combien je suis heureux d’être de retour à Boston, parmi tant d’amis et de partenaires du Canada.

J’aimerais aussi souligner la force et la détermination de cette admirable ville, dans la foulée des explosions survenues lors du marathon. Puisque la majorité des coureurs étrangers inscrits au marathon venait du Canada, il va de soi que nous vous épaulions durant cette période difficile.

Le 5 mai, lors du marathon de Toronto, des centaines de personnes portaient un tee-shirt bleu et jaune sur lequel on pouvait lire : « Boston, we run with you » (Boston, nous courons avec vous). Aujourd’hui, après ce déjeuner, j’aurai l’honneur de me rendre au monument commémoratif de Copley Square, pour exprimer le soutien de tous les Canadiens.

En tant que gouverneur général, j’ai le privilège de représenter le Canada à l’étranger et de relayer une partie des aspirations et des préoccupations des Canadiens en ces temps trépidants, mais souvent difficiles.

En cela, je suis les brisées de nombreux gouverneurs généraux avant moi, qui ont eu droit, comme moi, à l’accueil cordial que nous réserve depuis longtemps l’Amérique.

En fait, le deuxième gouverneur du Canada, lord Lisgar, a contribué à des avancées importantes dans nos relations avec les États-Unis. En 1871, il a été le premier de mes prédécesseurs à visiter ce pays. Il avait alors rencontré le président Ulysses S. Grant et inauguré une liaison ferroviaire qui allait de Boston jusqu’à Portland, puis jusqu’à Saint John et Fredericton, au Nouveau-Brunswick.

Bien sûr, cela fait déjà plus d’un siècle au moins, mais il est intéressant de noter combien nos préoccupations demeurent les mêmes aujourd’hui : si ce n’est pour la forme, du moins sur le fond.

Aujourd’hui comme hier, nous souhaitons élargir et renforcer les liens entre le Canada et cette région magnifique et dynamique des États-Unis.

Aujourd’hui aussi, nous allons plus loin, renforçant nos liens d’amitié, de commerce, de culture et d’éducation.

En particulier, la Nouvelle-Angleterre pratique depuis longtemps ce que j’appelle la diplomatie du savoir, qui consiste à travailler ensemble, au-delà des frontières et des disciplines, pour favoriser l’apprentissage et l’innovation.

Pour les Canadiens et les gens du monde entier, cette région est un phare pour l’apprentissage. C’est la ville sur la colline. Il existe peu d’endroits capables d’attirer les plus brillants cerveaux, pour le travail ou les études, comme le fait la Nouvelle-Angleterre.

À lui seul, le Grand Boston accueille 100 établissements postsecondaires, un nombre remarquable!

Les étudiants, les chercheurs et les dirigeants qui y viennent sont ensuite en mesure d’exercer une influence incommensurable dans leurs communautés respectives et dans les nations du monde entier.

Pensons simplement à l’échange de savoir entre les Canadiens et les Américains. C’est ce que j’appelle l’échange international de capital.

Le Canada et les États-Unis ont tissé des liens scientifiques et intellectuels inégalés. En fait, ce n’est pas un hasard si les relations bilatérales qu’entretiennent nos pays comptent parmi les plus solides au monde et produisent d’innombrables avantages. Notre engagement commun envers l’apprentissage s’est révélé indéfectible et nous a montré la voie à suivre en ce qui concerne des enjeux plus larges.

Ces rapports particuliers s’étendent à ma propre famille. Je fais en effet partie des nombreux Canadiens qui ont bénéficié de la riche culture universitaire de votre pays, puisque j’ai étudié pendant quatre merveilleuses années à Harvard. J’ai aussi eu l’honneur de devenir le premier président non américain du conseil des gouverneurs d’Harvard au début des années 1990.

Mon frère a étudié à Dartmouth, et plusieurs de mes filles – qui cumulent ensemble trois diplômes de Harvard et un de Dartmouth – ont largement bénéficié de l’excellente éducation postsecondaire offerte en Nouvelle-Angleterre.

De nombreuses familles canadiennes pourraient en dire autant. Selon les derniers chiffres, 556 Canadiens étudient à Harvard, et 263, au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Et je ne parle ici que de Cambridge.

Aujourd’hui, notre défi consiste à resserrer les liens particuliers qui unissent nos pays, tout en intensifiant l’échange de connaissances avec le reste du monde.

Imaginez comment serait le monde si nous arrivions à étendre à la planète entière cette diplomatie du savoir que pratiquent le Canada et la Nouvelle-Angleterre. Grâce aux technologies modernes des communications, voilà un rêve digne d’être caressé.

Je tiens ces propos compte tenu du fait que, dans notre société moderne et mondialisée, le bien-être des nations sera déterminé par leur capacité à développer le savoir et à le diffuser. En d’autres mots, le savoir — contrairement à la puissance militaire ou aux actifs matériels — deviendra la nouvelle monnaie d’échange et la clé du succès.

À nos chaînes de valeur et d’approvisionnement mondiales, nous pouvons désormais ajouter les chaînes mondiales du savoir comme déterminants clés de la prospérité et du bien-être. Notre capacité à exploiter les idées et les innovations les meilleures et les plus brillantes — peu importe où elles surgiront — dictera notre qualité de vie dans ce monde interconnecté.

Puisque je m’adresse à des gens d’affaires, permettez-moi d’illustrer, à l’aide d’un exemple d’actualité, comment les Canadiens collaborent avec des gens de la région afin de générer de nouvelles propositions commerciales et d’innover.

L’accélérateur technologique canadien du gouvernement du Canada, qui a été implanté avec succès ici, au Cambridge Innovation Center, en mars dernier, attire des entrepreneurs canadiens dynamiques et novateurs à Boston pour y développer leurs entreprises et collaborer au sein d’un centre technologique mondial.

L’innovation est au cœur de ce programme, et je tiens à souligner le rôle de la recherche et de la création du savoir dans le succès des initiatives d’innovation. Comme l’a si bien dit Kevin Lynch, la recherche transforme l’argent en connaissance tandis que l’innovation transforme la connaissance en argent.

Les deux valent leur pesant d’or, et les deux méritent d’être bien faits. D’où la nécessité pour les gouvernements et les établissements de recherche de travailler étroitement avec les entreprises et les innovateurs.

La communauté universitaire de la Nouvelle-Angleterre a déjà prouvé sa détermination et sa capacité à prendre les devants et à diffuser ses connaissances à grande échelle. Bien entendu, la disponibilité grandissante des services Internet à haute vitesse et l’amélioration rapide des technologies des communications y sont pour beaucoup.

Par exemple, l’Université Harvard et le Massachusetts Institute of Technology ont conçu « edX ». Grâce à cette plateforme ouverte sans but lucratif, quelque 155 000 étudiants dans le monde ont pu suivre le premier cours en ligne qui a été offert, plus précisément un cours d’introduction aux circuits du MIT. Permettez- moi de répéter : 155 000 étudiants! Ce chiffre dépasse le nombre total d’étudiants inscrits au MIT en 150 ans d’existence! Et devinez quoi, les cours sont gratuits.

L’arrivée de ces cours en ligne ouverts accessibles aux masses permet l’apprentissage à un niveau jamais vu. Comme la mondialisation de nos économies, la mondialisation de l’apprentissage s’accompagne de défis et de possibilités.

La diplomatie du savoir nous oblige à outrepasser les frontières — géographiques et disciplinaires. J’enchaînerais avec un autre exemple concernant Harvard et le MIT qui illustre comment la diplomatie du savoir peut rehausser l’apprentissage et, au bout du compte, notre prospérité et notre bien-être.

Vous avez peut-être lu le livre Why Nations Fail, de James Robinson, professeur David Florence de gouvernement à l’Université Harvard, et Daron Acemoglu, professeur Killian d’économie au MIT. Leur ouvrage instructif avance que les sociétés inclusives sur les plans politiques et économiques prospèrent, tandis que celles qui pratiquent l’exclusivité sont vouées à l’échec.

En examinant les raisons qui expliquent l’échec des nations de différents points de vue disciplinaires, les co-auteurs donnent du poids à leur argument. La méthode qu’ils emploient ainsi que leur conclusion renforcent ce même argument : lorsque nous travaillons ensemble, de manière inclusive, et que nous examinons une question sous divers angles, nous en saisissons mieux la véritable nature.

Pour ce qui est du pendant canadien de cette histoire, notons que ce livre est le fruit du programme consacré à l’économie mondiale de l’Institut canadien de recherches avancées, une organisation que j’ai eu le plaisir de présider il y a une décennie et qui amène des universitaires du monde entier à se pencher, conjointement, sur des problèmes d’envergure.

Dans notre monde interconnecté qui gagne en complexité, le succès repose sur notre capacité à travailler ensemble et à créer davantage de connaissances.

L’importance grandissante de la propriété intellectuelle et l’intégration internationale croissante dans ce domaine viennent appuyer cette affirmation. Pour donner un exemple parlant, notons que les demandes de brevets internationaux présentés par les Canadiens ont augmenté de 76 % entre 2000 et 2011. De même, durant l’exercice 2011, 88 % des brevets canadiens ont été octroyés à des demandeurs étrangers.

Je sais que les membres du Conseil des gens d’affaires Nouvelle-Angleterre-Canada travaillent d’arrache-pied pour aider le Canada à mieux comprendre le contexte américain des affaires, de la politique et de la culture, et vice-versa.

Le conseil est un bon exemple du type de réseau que nous devons instaurer afin de faciliter l’échange de connaissances et d’idées.

Que nous parlions d’amitié, de partenariats ou — comme dans les milieux diplomatiques — de liens entre les peuples, notre réussite en tant qu’individus, entreprises, collectivités et pays est tributaire, dans une large mesure, de la qualité des liens que nous entretenons avec les autres.

Et je peux vous dire que j’ai pu voir cette leçon mise en pratique lorsque j’étudiais à Harvard, un établissement d’enseignement reconnu pour sa capacité remarquable à nouer des relations constructives avec les milieux d’affaires, les collectivités, les gouvernements et les anciens étudiants, ici même aux États-Unis et dans le monde entier.

De même, tout au long de ma vie personnelle et professionnelle, j’ai pu constater combien cette leçon était importante.

En effet, je me suis moi-même efforcé de l’appliquer dans ma vie personnelle et en cours de carrière. Cela s’est avéré extrêmement utile non seulement pour moi, mais aussi, je l’espère, pour mon entourage.

Les réalisations communes de la Nouvelle-Angleterre et du Canada sont nombreuses et se traduisent par des échanges commerciaux de plusieurs milliards de dollars par année, aident au maintien de centaines de milliers d’emplois et sont porteuses d’innombrables innovations et partenariats.

Nous entretenons aussi les liens les plus vastes et importants dans le domaine de l’énergie, une preuve de notre engagement envers la sécurité énergétique, la prospérité économique et la responsabilité environnementale. Comme plusieurs d’entre vous le savent, l’hydroélectricité produite au Canada est acheminée dans maintes régions de la Nouvelle-Angleterre.

C’est pourquoi nous devons tous collaborer de bonne foi et continuer d’encourager la confiance.

Cela est vrai des citoyens, des entreprises, des établissements d’enseignement, des gouvernements et, à plus forte raison, de nos pays tout entiers.

Avant de vous quitter, j’aimerais vous mettre au défi. Allons plus loin dans nos partenariats. Repoussons les limites des chaînes mondiales du savoir. Trouvons des moyens novateurs d’abattre les obstacles qui séparent les secteurs, les disciplines et les pays.

Pour s’en convaincre, il suffit de citer le directeur du Centre d’études nord-américaines, à l’Université American, Robert Pastor, qui énonce les principes fondamentaux de relations fructueuses entre le Canada, les États-Unis et notre autre partenaire important sur ce continent, le Mexique — un exemple splendide de l’élargissement d’un partenariat canado-américain pour y inclure un troisième pays.

Pastor écrit :

« La caractéristique essentielle d’une communauté nord-américaine tient à ceci : qu’il est dans l’intérêt de chacun des trois États souverains de réussir, et chacun en paiera le prix si l’un d'eux échoue. C’est là le premier principe – l’interdépendance – qui sous-tend une communauté. Le deuxième réside dans la réciprocité : chaque pays doit traiter l’autre comme il souhaite être traité, et chacun doit vouloir mettre à profit l’expérience des autres. Le troisième principe est ce que nous appelons une « communauté d’intérêts » […] [dans laquelle] les trois gouvernements assument leur part de responsabilité en cas de problèmes et contribuent à la recherche de solutions. »

À bien des égards, le Canada et les États-Unis sont de proches partenaires en Amérique du Nord. Cela est essentiel, puisque la mondialisation permet et nécessite tout à la fois une plus grande collaboration. Cette réalité et la rapidité des changements qu’entraînent les nouvelles technologies ont donné lieu à un nouvel impératif, c’est-à-dire celui de communiquer notre savoir et d’innover à l’échelle mondiale.

En tant que chef de file des milieux d’affaires et de vos collectivités en Nouvelle-Angleterre, chacun de vous a un rôle à jouer dans la promotion de l’innovation indispensable à notre réussite. Certes, cela s’entend de l’innovation en affaires et en commerce, mais vous avez aussi la capacité d’influer plus largement sur le changement.

En tant que membres de sociétés démocratiques, nous devons tous, par nos meilleures idées et nos meilleurs efforts, aider à relever les défis de notre époque. Vous ne devez jamais sous-estimer la contribution que vous pouvez apporter. Et contribuez à reproduire cette brillante relation sur la scène mondiale.

Que ce soit des défis sociaux, politiques ou économiques, tous sont interdépendants, tout comme le sont le bien-être et la prospérité du Canada et des États-Unis, et cela à plus d’un titre.

Permettez-moi de conclure en citant un autre de vos présidents, Thomas Jefferson, dont s’inspire en fait la bougie qui figure sur le cimier de mes armoiries vice-royales.

La bougie est allumée, ce qui symbolise non seulement l’apprentissage et la découverte, mais aussi la transmission des connaissances qui contribuent à notre enrichissement collectif, comme l’a si bien dit Jefferson.

Je vous invite donc à garder cette image à l’esprit afin que nous continuions ensemble à bâtir le monde averti, bienveillant et prospère dont nous rêvons.

Merci.