Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean - Discours à l’occasion de l’arrivée à La Citadelle

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La Citadelle, le mercredi 8 février 2006

C’est avec beaucoup d’émotion et de fierté que je me retrouve aujourd’hui devant vous dans le cadre de ce premier voyage officiel au Québec à titre de gouverneure générale du Canada. Je voudrais d’abord vous dire, à vous membres du Royal 22e Régiment, à quel point je suis honorée de votre présence ici aujourd’hui. Pour m’accueillir à la Citadelle, je sais que vous avez interrompu votre entraînement en vue d’un déploiement éventuel à l’étranger, et je vous en remercie chaleureusement.

Pour mon mari Jean-Daniel Lafond et moi-même le Québec restera à jamais le lieu où nous avons plongé nos racines en ce pays. C’est un lieu qui, par sa langue et sa culture, est unique dans les Amériques et mon mari et moi-même avons toujours eu à coeur de participer à la préservation de son originalité et de contribuer à son affirmation dans la francophonie et dans le monde. J’ajouterais que le Québec est non seulement pour Jean-Daniel, notre fille Marie-Éden et moi-même le lieu de l’enracinement, mais aussi et surtout le lieu de l’attachement.

Ce pays a d’abord pris le visage de l’hiver pour ma mère, ma soeur et moi-même qui y sommes arrivées pour la première fois en février 1967, pour recommencer notre vie à l’abri de la dictature et de l’horreur. C’est également en février, pendant le carnaval, que j’ai visité la ville de Québec pour la première fois. Moi qui ne connaissais alors que les carnavals d’Haïti, j’ai découvert émerveillée cette célébration de la neige et de l’hiver que je n’ai jamais cessé d’aimer.

C’est de nouveau en février que je me retrouve aujourd’hui à Québec à titre de gouverneure générale, comme pour me rappeler que ce mois représente une date importante de mon histoire personnelle et de mon intégration à cette terre d’accueil qui est devenu mon pays. Et autre coïncidence heureuse : février est aussi le mois de l’Histoire des Noirs. Je dirais que chaque visite à Québec est pour moi l’occasion de renouer avec une histoire d’autant plus émouvante qu’elle est la nôtre. C’est notre histoire à tous et à toutes qui défile sous nos yeux, du haut du cap Diamant. Celle des Premières nations. Celle des francophones d’Amérique.

Celle des immigrants irlandais qui ont fui la famine et trouvé refuge sur ces rives-ci de l’Atlantique. Celle des citoyennes et des citoyens de diverses origines venus enrichir et élargir notre compréhension et expérience du monde entier. C’est l’histoire de tout un continent qui s’est écrite ici. On peut imaginer l’espoir que représentaient ces terres qui longent le fleuve pour celles et ceux qui arrivaient du grand océan. Ce même espoir qui continue d’animer celles et ceux qui viennent s’y établir de nos jours. Ce même espoir qu’il nous faut entretenir pour le plus grand nombre.

Québec se situe à la jonction de deux mondes : l’Europe et l’Amérique. C’est le coeur battant de la francophonie canadienne. C’est une ville reconnue comme un joyau de l’humanité par l’UNESCO. Si elle porte avec tant de dignité les traces de notre histoire collective, cette ville nous parle aussi du pacte de solidarité sur lequel se fonde le Canada moderne. Une ville et, autour d’elle, toute une société qui vit au rythme du monde et qui travaille sans relâche à définir un espace où chacune et chacun contribue par son apport singulier à la force de l’ensemble. Un espace où le vivre ensemble parle plus fort que l’exclusion qui réduit tant de gens à l’isolement, au désespoir, parfois même à la terreur.

Le Québec que j’aime, et dont nous sommes si fiers, est celui de l’ouverture à l’autre, de la volonté inépuisable de se réinventer et de l’effervescence de cette réinvention de soi au contact de l’autre et du choc des idées. C’est ce Québec que j’ai toujours porté dans mon coeur comme un trésor précieux et irremplaçable et que je ne cesserai jamais d’écouter. C’est avec vous, Québécoises et Québécois de tous les horizons, que je viens poursuivre le dialogue pour nous si essentiel. Parce que, comme le dit si bien le poète, nous sommes « gens de paroles », et j’appelle de tous mes vœux des mots qui partent du cœur, des mots riches de toutes nos expériences, de tous nos points de vue, de tous nos choix.

Merci de votre accueil.