Son Excellence Jean-Daniel Lafond - Rétrospective en l'honneur de Norman McLaren

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Rétrospective en l'honneur de Norman McLaren

Toronto, le vendredi 8 septembre 2006

SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS

Je voudrais profiter de cette tribune et de cette belle assemblée pour vous livrer quelques réflexions sur la leçon que l’on peut tirer aujourd’hui du parcours artistique de Norman McLaren.

Son œuvre est exceptionnelle tant par sa rigueur et son inventivité que par la capacité qu’il a eu de la porter à son incandescence ; il reste un grand maître et un modèle pour tout aspirant cinéaste d’animation et toujours un plaisir pour le spectateur.

Exceptionnel par son talent, il l’était aussi par ses qualités de cœur et sa conscience sociale. Il l’était aussi par son amabilité discrète et sa très grande gentillesse.

Je me souviens, au début des années 80, alors que je réalisais mon premier long métrage à l’Office national du film du Canada, où les couloirs étaient alors un formidable forum permanent, où se croisaient au moins deux générations de cinéastes, je rencontrais souvent McLaren entre ma salle de montage et la cafeteria, c’était ses dernières années à l’Office et pourtant, il avait encore l’enthousiasme communicatif d’un débutant.

Mais, pour moi, la grande leçon de McLaren, c’est celle d’une œuvre exigeante, intransigeante, passionnée, audacieuse développée et conçue à l’intérieur d’un service public unique : l’Office national du Film du Canada.

C’est une leçon double qui doit être entendue aujourd’hui autant par les artistes que par les responsables politiques. Une société démocratique ne peut négliger sans conséquences graves ses responsabilités à l’égard des arts et de la culture. L’aventure de McLaren nous rappelle l’importance qu’il faut accorder à une recherche et à une création libérées des contraintes qu’implique un usage trop exclusif de l’expression « industries culturelles ».

Ne vous méprenez pas sur mon propos : je sais, bien sûr, comme vous, que le cinéma est un art et une industrie. Mais je sais aussi que pour répondre aux exigences de ce double attelage, il ne faut pas perdre de vue, que si le nerf de l’industrie, c’est l’argent, l’oxygène de la création, c’est la nécessité d’un espace de recherche et d’expression dégagé des contraintes mercantiles et des lois du marché.

En ce sens, on pourrait dire que, pour la santé des industries culturelles et leur survie au-delà de l’éphémère de la consommation immédiate, il faut préserver ces institutions remarquables que sont le Conseil des Arts du Canada et l’Office national du film du Canada.

En somme, l’ONF créé il y a plus de 60 ans, initialement pour soutenir l’effort de guerre et conséquemment pour faire connaître le Canada aux Canadiens et au reste du Monde, s’est avéré perméable  dans son développement aux attentes et aux exigences des artistes authentiques qui ont sa vraie réputation. McLaren, tout comme Pierre Perrault et bien d’autres appartient à cette lignée.

Son œuvre, que cette édition DVD remarquable nous fait découvrir dans son ampleur, nous rappelle que le devoir d’un état démocratique n’est pas de dicter la place et la forme de l’art, il est de garantir la liberté de création et d’expression, d’assurer l’éducation qui l’accompagne, et d’en faire mémoire et transmission.

Voilà pour moi la leçon de McLaren. Voilà pourquoi je suis ici ce soir fier et honoré de partager cette présidence d’honneur avec mon épouse.

Merci.