Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean - Discours à l’occasion d’une cérémonie de citoyenneté

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Charlottetown, le lundi 7 novembre 2005

Mon mari Jean-Daniel Lafond et moi-même sommes heureux d’être parmi vous en ce moment mémorable où vous entrez officiellement dans la grande famille canadienne. Nous connaissons l’importance de cette aventure pour l’avoir vécue nous-mêmes.

Je ne peux participer à une cérémonie comme celle-ci sans me rappeler ce moment où je suis moi-même devenue Canadienne. Je me souviens du dernier jour sur mon île natale qui était devenue pour ma famille une prison et de notre arrivée à Montréal par une nuit d’hiver. Je me souviens de notre volonté de repartir de zéro et de mettre nos forces à contribution. Je me souviens enfin de notre espoir de voir s’ajouter notre histoire à la mémoire de ce pays qui nous a accueillis.

Grâce aux aventures singulières de celles et ceux qui l’habitent ou qui s’y intègrent, notre pays contient le monde et l’île où vous avez choisi de vous enraciner s’enrichit. Notre pays est vaste, certes, mais il est surtout riche de tant de langues, d’accents et d’expériences. Pour plusieurs, il représente l’espoir d’un monde meilleur, une terre de liberté incomparable, un lieu de tous les possibles où chacune et chacun d’entre nous peut participer pleinement à son évolution.

Des gens des quatre coins du monde viennent ici pour explorer de nouvelles possibilités et pour prendre part à nos projets d’avenir. D’autres, comme moi et ma famille, pour recommencer leur vie à l’abri de l’injustice et loin des massacres. Chacune de nos histoires est unique. Mais, chose certaine, nous avons trouvé ici l’idéal d’une société où toutes les citoyennes et tous les citoyens sont égaux en droits. On ne saurait minimiser cette chance-là, ni la passer sous silence, alors que la barbarie afflige tant de pays et accule tant de gens au désespoir.

La devise que j’ai choisie, à titre de gouverneure générale, est à l’image du Canada que nous souhaitons toutes et tous pour les générations à venir. Briser les solitudes, pensez-y. Cela consiste à donner à chacune et à chacun les moyens de déployer les multiples facettes de ses possibilités et de s’engager, par la parole et par les gestes, dans sa communauté. La solitude à laquelle se trouvent confinés certaines personnes, ou certains segments de la population, n’a aucunement sa place dans un pays où prévalent par-dessus tout les valeurs de respect, de partage et de tolérance qui sont pour moi souveraines.

Chaque citoyenne, chaque citoyen vient enrichir ce pays de sa propre histoire, de sa propre expérience, de sa propre perspective sur le monde. À nous des droits, mais aussi des responsabilités qui viennent avec cette nouvelle citoyenneté. À nous de contribuer à revitaliser le dialogue qui reste pour moi l’acte fondateur de ce pays.

À notre histoire s’ajoute maintenant la vôtre, et je vous encourage à la partager avec vos concitoyennes et concitoyens et à saisir toutes les occasions d’animer notre société de votre apport unique. La démocratie commence par la volonté et la possibilité que nous avons d’agir précisément là où nous vivons et où nous choisissons de nous enraciner. C’est-à-dire dans un pays qui est généreux, et où nous avons le privilège de pouvoir rêver grand, pour le bien des nôtres et de l’ensemble. C’est ça, à mon sens, la véritable intégration.

Sachez enfin que notre citoyenneté est aussi un pacte de solidarité entre les femmes et les hommes qui font que ce pays existe. Cette même solidarité si souvent à l’œuvre parmi les insulaires que vous êtes. Je vous dis donc : « Bienvenue chez vous! » Que mes vœux de bonheur et de succès vous accompagnent.