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Winnipeg, le mardi 18 octobre 2005
Je suis enchantée que mon premier voyage officiel à titre de gouverneure générale me conduise ici, au Manitoba. Mon mari Jean-Daniel Lafond est également ravi d'être ici. Quelques voyages antérieurs m'avaient déjà permis de constater la remarquable volonté de faire des citoyennes et des citoyens d'ici. Sachez que de me retrouver de nouveau parmi vous aujourd'hui, au cœur même de notre pays aux dimensions colossales, est pour moi une grande joie.
Pourquoi commencer par le Manitoba? Parce que l'idée d'être au cœur géographique du Canada me plaît. D'un côté, l'est; et de l'autre, l'ouest. Deux points cardinaux qui ont marqué l'imaginaire de ce pays. Deux directions dont les extrémités sont deux puissants océans : l'Atlantique et le Pacifique. Entre eux, ici même, ces plaines qui impressionnent tant lorsqu'on les voit de haut et qui semblent toucher l'infini du ciel.
Certaines lectures me reviennent en mémoire. Je me souviens notamment d'une remarque de Gabrielle Roy, qui parle de la perception qu'elle avait du Québec, enfant, à travers les récits que lui faisaient ses parents immigrés au Manitoba. Je pourrais reprendre à mon compte cette remarque à l'envers et parler de l'impression très vive que je me suis forgée de ces plaines du Manitoba en lisant les romans de Gabrielle Roy. Je les voyais déjà, et cette première rencontre littéraire avec vous m'accompagne toujours.
J'aime aussi l'idée que le mot Manitoba, d'origine amérindienne, renvoie à un immense lac. Près de ce lac, selon d'anciennes traditions, me dit-on, les Autochtones venaient écouter la voix du grand Manitou dans le vent. Et que dit le vent aujourd'hui? Il porte certainement le souffle de ces femmes et de ces hommes d'origines diverses qui ont misé ici sur un rêve d'ouverture et de partage afin de célébrer la vie dans toutes ses dimensions.
J'applaudis à ces valeurs qui font battre nos cœurs et qui, comme je l'ai dit à mon installation, apportent au monde un supplément d'âme si essentiel. Nous avons toutes et tous, citoyennes et citoyens de ce pays, le privilège inouï d'habiter une terre de liberté où chacune et chacun d'entre nous peut participer pleinement à son édification. Pensez-y.
Or, si la liberté est chez nous un droit acquis, elle comporte aussi, nous le savons, des responsabilités que ne devons jamais ni négliger, ni oublier, et qu'il nous faut transmettre à nos enfants dès le berceau, comme le disait ma mère.
Parlons-en de ces responsabilités. Dès mon arrivée en fonction, j'ai insisté sur l'importance que nous brisions ensemble toutes les solitudes, notamment de celles et de ceux qui sont dans le besoin, qui sont sans écoute et sans voix.
Voilà, à mon sens, le geste citoyen le plus porteur d'espoir pour notre pays et pour le monde entier. J'entends m'employer à mettre en valeur et à multiplier les gestes qui vont dans le sens d'un plus grand dialogue entre nous, d'une compréhension encore plus marquée de ce que nous sommes collectivement, d'une plus grande tolérance dans notre vie de tous les jours. La première fois que je suis venue au Manitoba, c'était pour appuyer les efforts déployés en vue de contrer la violence faite aux femmes. Cette expérience, qui a réuni des femmes du Manitoba et du Québec, m'a enseigné la force constructive de la solidarité et la nécessité d'éliminer les barrières quand on veut atteindre un objectif commun.
N'est-ce pas un beau pari? Nous qui sommes si riches de cette liberté et des possibilités infinies qu'elle offre à chacune et à chacun de nous, avons la possibilité d'agir en vue de construire ce type de société où nous aimerions vivre. Il nous faut croire en notre capacité de changer le cours du monde.
Là commence le véritable dialogue. Et, si nous le réussissons entre nous, il peut instaurer, à l'échelle planétaire, une véritable mondialisation des solidarités. C'est-à-dire une mondialisation qui ne se définit plus exclusivement par les échanges commerciaux, mais aussi par l'entraide et le souci d'aborder de front des enjeux qui concernent le plus grand nombre.
Certains diront qu'il s'agit là d'un rêve. Eh bien, oui, c'est un rêve, un rêve que j'appelle de tous mes vœux. Je sais aussi qu'il faut parfois rêver beaucoup pour réaliser assez. Je suis une femme d'action et, si je suis devant vous aujourd'hui, c'est pour rendre ce rêve contagieux à la grandeur du pays, célébrer les valeurs qui sont chères à nos yeux, insister sur les préoccupations que nous avons face à l'avenir et sur les moyens de collaborer à un vivre-ensemble encore meilleur.
Pendant mon séjour, j'espère rencontrer plusieurs d'entre vous. Je souhaite que ce premier voyage que j'effectue au Canada à titre officiel soit l'expression d'une citoyenne parmi les citoyens dont l'objectif fondamental est de redonner toute sa place à votre parole parce que cette parole est source de connaissance et de reconnaissance, appel au rêve et instigatrice d'action.
Je vous remercie.
