Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean - Discours à l’occasion du lancement de la campagne du coquelicot

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Rideau Hall, le mardi 25 octobre 2005

Il arrive trop souvent que nous oublions que la liberté dont nous jouissons dans ce pays n'est pas le lot du plus grand nombre sur la planète. Cette liberté a été chèrement acquise par celles et ceux qui nous ont précédés. Le jour du Souvenir nous permet justement de réfléchir à cette chance inouïe que nous avons de vivre dans un pays de tous les possibles et de rendre hommage à celles et ceux qui nous ont légué un si bel héritage.

Mais j'aimerais que nous revenions un moment sur l'histoire de la fleur du coquelicot – une histoire qui me touche profondément. D'abord, parce que cette fleur pousse généralement dans des champs ravagés, dont le sol est pauvre et stérile. Parfois, comme en Flandres, dans des lieux traversés par l'horreur de la Première Guerre mondiale. Et sur ces terres appauvries et couvertes des corps de valeureux soldats endormis pour l'éternité, cette fleur pourtant si belle poussa et fit tache de sang.

Ces coquelicots inspirèrent au lieutenant colonel John McCrae son poème si touchant, griffonné à son retour d'Ypres. « Au champ d'honneur, écrivit-il, les coquelicots sont parsemés de lot en lot auprès des croix. »  Ces vers me rappellent que même les pires atrocités n'ont jamais raison de la beauté dans le monde.  Je pense surtout aujourd'hui à ces femmes et à ces hommes qui ont fait le sacrifice de plusieurs années de leur jeunesse, ou de leur vie même, au nom d'un idéal de justice et de liberté. Je pense à vous.

La démocratie qui s'inscrit au cœur de nos institutions et de notre histoire collective, nous la leur devons en partie. Nous vous la devons aussi grandement. Il ne faut jamais l'oublier. Mon mari Jean-Daniel Lafond est né sous les bombes et, pour ma part, je connais bien le prix de la liberté. Nous ne l'oublions jamais.

Aussi, je veux que ma fille et tous les enfants de ce pays sachent combien est précieuse la mémoire de tant de gestes héroïques. Des femmes et des hommes de ces pays libérés par nos anciens combattants nous l'ont rappelé cet été d'une façon très forte en multipliant les gestes et les paroles d'affection et de reconnaissance à leur égard.

Alors, en cette Année de l'ancien combattant, j'invite la population canadienne à laisser fleurir dans leur cœur le sens profond que représente cette fleur. Et surtout, ne laissons pas le coquelicot se faner dans nos mémoires.

Je vous remercie.