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Rideau Hall, le mardi 15 novembre 2005
Ce qu’il y a de réjouissant en ce monde c’est que chaque être humain a le pouvoir de propager tant de beautés, d’apporter aussi un grand réconfort à celles et ceux qui l’entourent, et d’aspirer aux idéaux les plus nobles. Et de là vient mon espoir en l’humanité.
Je sais aussi que les pires atrocités sont souvent commises au nom d’une idéologie ou en raison de préjugés nés de l’ignorance et de l’incompréhension. Empêcher plus de la moitié de l’humanité d’accéder aux droits fondamentaux constitue l’un des grands scandales de notre temps.
De là vient ma volonté d’agir et ma détermination à promouvoir les valeurs de respect, d’ouverture et de partage qui, pour moi, sont souveraines.
Cette liberté qui est nôtre et qui alimente l’espoir de tant de femmes affligées sur notre planète nous confère aussi certaines responsabilités. Il est de notre devoir de défendre, avec constance, avec vigilance et oui, je dirais même, avec entêtement, les droits des femmes et des enfants qui sont toujours les plus touchés par les conflits, par la violence, par l’oppression et par l’injustice.
La revendication de ces droits est le seul chemin qui conduise vers la liberté dont nous sommes si riches en ce pays.
En l’an 2000, la Marche mondiale des femmes, qui est née de la Marche des femmes contre la pauvreté en 1995 au Québec, a fait descendre dans la rue des femmes de tous les continents, des femmes désireuses de prendre la parole, des femmes désireuses d’être entendues, d’agir ensemble et d’élargir leur réseau d’influence.
Journaliste, j’ai moi-même eu la préoccupation de faire entendre la voix des femmes.
Des femmes qui, jour après jour, nuit après nuit, vivent dans la crainte de la violence.
Des mères qui cherchaient leurs enfants sous les débris.
Des jeunes filles dévastées par des histoires de viols et de mutilations.
J’ai parlé aussi de ces femmes autochtones retrouvées mortes sur le bord des routes.
J’ai parlé de la misère extrême de femmes devant leurs enfants affamés.
De ces femmes au regard vide et vendues comme de simples marchandises.
J’ai croisé le regard des femmes muselées, réduites à la solitude et au désespoir.
Et, à chaque fois, j’ai voulu briser le mur de l’indifférence et dénoncer de telles injustices.
Ne nous faisons pas d’illusions. Même chez nous, dans un pays aussi progressiste que le nôtre, reconnu pour son engagement à l’égard des droits et libertés, les femmes doivent continuer de lutter pour préserver leurs acquis, améliorer leur condition et accéder à l’équité.
Au Canada, les femmes reçoivent encore un salaire moindre pour un travail équivalent à celui d’un homme, et cela même lorsqu’elles sont les plus instruites.
Ce sont encore les femmes qui accomplissent le plus grand nombre d’heures de travail non rémunéré.
Ce sont encore les femmes qui risquent le plus d’être agressées dans la rue, dans leur foyer ou d’être portées disparues.
Je le sais pour avoir collaboré à mettre sur pied au Québec un réseau de refuges destinés aux femmes victimes de violence. J’y ai consacré mes dix premières années professionnelles et la gouverneure générale que je suis devenue n’a aucune intention d’abandonner cette cause de toute première importance.
Mes deux premiers voyages officiels m’ont conduite à Winnipeg et à Charlottetown où j’ai rencontré des femmes et des hommes qui déploient des efforts remarquables en vue de contrer la violence familiale. Les statistiques quant au nombre de victimes, voire de morts, sont effarantes.
Il faut une tolérance zéro face à ce fléau. Et l’idée de rassembler des citoyennes et des citoyens qui y travaillent à la grandeur du pays m’apparaît de plus en plus nécessaire. J’ai la ferme intention de susciter une telle rencontre et j’aurai bientôt l’occasion de vous en reparler.
Je crois au pouvoir de l’action et je veux que nos enfants, filles et garçons, héritent d’un monde où prévaut avant tout le respect.
Et j’ai de bonnes raisons de croire que cela est possible. Parce que d’un bout à l’autre de la planète, de plus en plus de femmes osent s’insurger au nom d’une plus grande humanisation de l’humanité.
C’est le cas des six femmes que nous honorons ce matin. Elles ont allumé dans le cœur des femmes de ce pays et du monde un grand feu d’espoir et de joie.
Leurs paroles s’accordent à leurs gestes, des gestes libérateurs qui ont entraîné de profonds changements dans nos sociétés.
Ruth Marion Bell, Bonnie Diamond, Aoua Bocar LY-Tall, Josephine Enero Pallard, Muriel Stanley Venne, Erica Jamie Samms Hurley, vous êtes des modèles pour les générations futures et pour l’humanité entière.
Au nom de la population canadienne, je vous remercie de travailler comme vous le faites en vue d’enrayer de nos vies de celles de nos enfants la discrimination et la misogynie encore trop souvent manifestes.
Je salue votre courage, votre engagement, votre entêtement et votre générosité. Votre présence parmi nous est un gage d’espoir et elle est aussi un hymne à la liberté que nous voulons pour celles et ceux qui nous suivront.
Je vous remercie.
