La nomination de Vincent Massey comme gouverneur général marque le début d'une nouvelle tradition – il est le premier Canadien nommé à ce poste et, par la suite, tous les gouverneurs généraux seront des citoyens canadiens. Même si cette innovation suscite la critique de détracteurs, ceuxci sont vite convaincus des qualités exceptionnelles que possède M. Massey dans ce rôle vice-royal.
Vincent Massey estime que la Couronne appartient aux Canadiens et que, à titre de représentant de la souveraine, son rôle est de raffermir ce lien. Tout en respectant la Couronne et son cérémonial, il est déterminé à utiliser la fonction de gouverneur général pour promouvoir l'unité et l'identité canadiennes. Infatigable voyageur, il visite tous les coins du pays – là où il ne peut aller en avion ou par bateau, il se rend en canot ou en traîneau tiré par des chiens.
Les discours de M. Massey mettent souvent en valeur la diversité culturelle du Canada, et il insiste sur la nécessité d'apprendre l'anglais aussi bien que le français. Peu importe qu'il s'adresse au Jewish Congress, qu'il soit honoré par la première nation Blood en Alberta ou qu'il visite des villages de pêcheurs dans les Maritimes, il se fait le champion de tous les Canadiens.
Favoriser les arts est l'une des réalisations marquantes du mandat de M. Massey. Ses efforts visant à promouvoir un festival national des arts mettent en branle un mouvement dont naîtra éventuellement le Centre national des Arts. À Rideau Hall, il établit des week-ends d'écrivains pour aider à créer une identité littéraire canadienne. Le festival de Shakespeare de Stratford, qui en est alors à ses débuts, reçoit l'appui enthousiaste de M. Massey, et celui-ci honore de sa présence, en tant que gouverneur général, l'inauguration de maintes expositions d'oeuvres d'art. En 1953, il établit les Prix du gouverneur général pour l'architecture et remet les prix du Conseil des arts du Canada à de nombreux artistes, dont le compositeur sir Ernest MacMillan.
Cependant, Vincent Massey évite de se concentrer exclusivement sur un secteur – il encouragera l'excellence dans tous les domaines. Sa plus grande ambition, la création d'un régime canadien de distinctions honorifiques, ne verra le jour qu'après son mandat. Néanmoins, ses efforts n'auront pas été vains puisqu'ils donneront lieu à la création d'un tel régime en 1967, dont il en sera l'un des premiers Compagnons. Il établit la Médaille d'or du gouverneur général pour l'Institut des comptables agréés en 1954, et la médaille Massey reconnaissant l'exploration du pays, l'avancement de la géographie et la description géographique pour la Royal Canadian Geographical Society en 1959. Fort de ses réalisations dans les domaines des sciences, des affaires et des arts, le Canada acquiert une nouvelle identité positive que Vincent Massey a certes contribué à développer.
En 1953, M. Massey renoue avec la tradition du carrosse officiel au Canada lors des célébrations entourant le couronnement de Sa Majesté la reine Élizabeth II. En grande pompe, le carrosse emmène Vincent Massey et son personnel, sous l'escorte des membres de la Gendarmerie royale du Canada, jusqu'à la Colline du Parlement. M. Massey prononce alors une introduction au discours du couronnement de Sa Majesté la reine Élizabeth II, qui est radiodiffusé dans le monde entier à partir de Londres. Ce carrosse est celui-là même qui est encore utilisé lors de l'ouverture du Parlement et des visites d'État. Pour commémorer le couronnement de Sa Majesté, M. Massey a fait remettre des cuillers en argent à tous les enfants canadiens nés ce jour-là, le 2 juin 1953.
M. Massey présente un nouveau drapeau au régiment des Governor General's Foot Guards et, à la Citadelle de Québec, il présente au Royal 22e Régiment, en guise de mascotte, un bouc bien sage d'ascendance persane issu du troupeau royal et appelé « Batisse ». Celui qui reçoit la mascotte ce jour-là est le colonel honoraire du régiment, le général Georges Vanier, qui succédera à Vincent Massey comme gouverneur général.
Le mandat de M. Massey sera reconduit à deux reprises, la première fois par le premier ministre Louis St-Laurent, puis par le premier ministre John Diefenbaker. Il quittera ses fonctions le 15 septembre 1959.
La vie avant et après Rideau Hall
Vincent Massey est issu d'une grande famille canadienne – prospère en affaires et philanthrope. Son frère est l'acteur populaire Raymond Massey, et son père, le président de Massey-Harris Company, entreprise célèbre dans le monde entier pour la fabrication de matériel agricole.
Il fréquente d'abord le collège St. Andrew et poursuit ensuite ses études à l'Université de Toronto, puis à Oxford – cette expérience de l'Angleterre lui fera apprécier à jamais les traditions et les institutions de ce pays.
À son retour au Canada, il devient doyen en résidence pour l'histoire moderne à l'Université Victoria de Toronto. Le 4 juin 1915, il épouse Alice Parkin, fille de sir George Parkin, ancien directeur du Upper Canada College et secrétaire de la fondation Rhodes. Malheureusement, Mme Massey meurt en juillet 1950, 18 mois seulement avant la nomination de son époux comme gouverneur général. C'est ainsi que sa bru, Lilias, agira comme châtelaine de Rideau Hall durant le mandat de M. Massey.
Avant d'amorcer sa carrière diplomatique, Vincent Massey sera pendant quatre ans le président de l'entreprise fondée par son père. Durant cette période, il poursuit ses intérêts philanthropiques en faisant la promotion des arts, de l'éducation et des lettres. Il commence également à constituer l'une des plus importantes collections d'art canadien et, grâce à la fondation Massey, il favorisera la construction de Massey College à l'Université de Toronto.
En 1926, il est le premier à être nommé ministre à l'ambassade du Canada à Washington. Il devient ensuite haut commissaire à Londres, en 1935. Sa réputation en Angleterre est telle que, en 1946, le roi George VI lui décerne le titre de Compagnon d'honneur. En 1949, il est désigné à la présidence de la Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Le rapport qui a découlé de ces travaux, publié en 1951 et appelé Rapport Massey, mènera à la création de la Bibliothèque nationale du Canada et du Conseil des arts du Canada.
Après son mandat comme gouverneur général, il prend sa retraite à Batterwood, sa résidence située près de Port Hope en Ontario, d'où il préside le conseil d'administration de la fondation Massey, comme il le faisait de 1926. La Fondation, incorporée en 1918, est la première fiducie du genre à être établie au Canada. Il consacre son temps à deux des institutions établies par la Fondation sur le campus de l'Université de Toronto – Massey College et Hart House, un centre pour étudiants d'une conception magnifique. En reconnaissance de ses réalisations en tant que représentant de la souveraine du Canada, Sa Majesté la reine Élisabeth II lui décernera le Collier royal de Victoria, le 22 juillet 1960. À cette époque, il est le seul Canadien à recevoir ce grand honneur.
En 1961, les conférences Massey sont créées pour honorer Vincent Massey, en reconnaissance de son soutien énergique en faveur des sciences humaines au Canada. Ces conférences permettent à des universitaires de marque ou à des personnalités de donner une conférence sur le sujet de leur choix, et nombreux sont ceux qui les considèrent comme étant les plus importantes séries de conférences publiques au Canada.
Vincent Massey meurt durant un séjour en Angleterre, le 30 décembre 1967. Il aura droit à des funérailles nationales au Canada, au début de janvier. Sa dépouille gît dans un cimetière anglican près de sa résidence de Port Hope.