« C'est maintenant qu'il faut prendre des risques dans votre vie - des risques en tant que citoyennes et citoyens. C'est maintenant qu'il faut vous habituer à faire preuve d'originalité, à critiquer à voix haute, à utiliser votre imagination pour des causes à long terme. Ce qui est vrai pour vous en tant qu'individus est vrai aussi pour notre pays. Chacun de nous et nous tous devons agir d'une manière imaginative, éthique et d'avant-garde. »
(John Ralston Saul, prenant la parole devant des étudiants à l'Université de Calgary)
« L'examen éthique des idées ainsi qu'un débat élargi sont indispensables à cette réalité qu'est la citoyenneté et à l'expression responsable de ce que signifie être Canadien. »
(John Ralston Saul)
Lorsque John Ralston Saul - romancier et essayiste de renommée internationale - est entré à Rideau Hall, un nouveau défi l'attendait dans sa mission visant à comprendre le contexte historique de la culture citoyenne au Canada et à faire valoir la nature évolutive de cette culture. Seul, mais également aux côtés de son épouse, Adrienne Clarkson, il a entrepris un ambitieux programme d'initiatives vice-royales. Ce qu'il voulait, c'était donner à Rideau Hall et à toutes les activités qui s'y rattachaient une saveur plus nordique, plus canadienne et plus inclusive.
John Ralston Saul est né le 19 juin 1947 à Ottawa. Son père était le colonel William Saul, un vétéran du jour J dont la carrière militaire a mené sa femme Beryl, une épouse de guerre, et leur famille à vivre sur différentes bases militaires d'un bout à l'autre du pays. M. Saul, qui a deux frères, a fréquenté l'école publique en Alberta, au Manitoba et en Ontario avant d'obtenir un B.A. en histoire et en science politique à l'Université McGill. En 1972, il a terminé un doctorat au Collège King's de l'Université de Londres, présentant une thèse sur la modernisation de la France. Après avoir fondé et géré une firme de placement européenne, il est revenu au pays pour devenir adjoint spécial auprès du président fondateur de Petro-Canada vers la fin des années 1970.
L'écrivain. À cette époque, les écrits de M. Saul retenaient de plus en plus l'attention. Son premier roman, Mort d'un général, écrit et publié d'abord en français, est devenu un bestseller international en 1977. Le dernier roman de la Trilogie Field, Paradis blues, a été couronné du prestigieux prix littéraire italien Premio Letterario Internazionale. Son plus récent ouvrage de fiction, également écrit en français, s'intitule De si bons Américains (1994).
À partir des années 1990, John Ralston Saul s'est principalement consacré à l'écriture d'essais. Son très populaire ouvrage Les Bâtards de Voltaire, publié en 1992, a fait connaître ses points de vue sur l'histoire et la philosophie politique. Après la sortie de son livre Le Compagnon du doute (1994), M. Saul a été invité en 1995 à prononcer une allocution dans le cadre des prestigieuses conférences Massey. C'est de cette allocution qu'il s'est inspirée pour écrire La Civilisation inconsciente, œuvre qui lui a valu le Prix littéraire du gouverneur général dans la catégorie des essais ainsi que d'autres récompenses. Son étude de l'identité et de l'histoire canadiennes dans Réflexions d'un frère siamois continue d'exercer une influence depuis sa publication en 1997. Il a été reconnu de par le monde comme un visionnaire dont l'œuvre offre "un véritable portrait de notre planète" et dont l'opinion est celle de "l'intellectuel, homme du monde". En 1996, il a été reçu Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres de France.
L'activiste. Lorsque John Ralston Saul est entré à Rideau Hall, il est devenu le président d'honneur officiel du volet canadien de PEN, l'organisation qui milite en faveur de la liberté de parole des écrivains du monde entier. Depuis longtemps déjà, il œuvrait au sein de PEN, notamment à titre de secrétaire, puis de vice-président et de président. Parfaitement bilingue, il s'est en outre érigé en défenseur de l'éducation bilingue qu'il estime être un aspect fondamental de la vie canadienne. C'est ainsi qu'avec un petit groupe d'amis il a fondé en 1996 Le Français pour l'Avenir / French for the Future, un réseau de soutien national pour les programmes de cours d'immersion en français et de cours de français langue première hors Québec. En 2005, la vidéoconférence organisée annuellement par cet organisme s'est déroulée simultanément dans 21 villes, d'un bout à l'autre du Canada.
« Deux pour le prix d'un » Lorsqu'Adrienne Clarkson est devenue gouverneure générale en octobre 1999, John Ralston Saul et elle formaient un couple accompli et très connu. (Madame Clarkson, célèbre animatrice-journaliste à la télévision et chroniqueuse culturelle, est le seul gouverneur général à avoir reçu l'Ordre du Canada avant son installation.) M. Saul souhaitait s'acquitter de ses fonctions vice-royales d'une manière productive et engagée et avec un zèle constant. Le réseau l'Avenir / French for the Future a connu un essor rapide durant le mandat, grâce à ses nombreuses rencontres avec élèves, enseignants et parents partout où il allait. En 2000, de concert avec l'Institut du Dominion, John Ralston Saul a fondé le Symposium LaFontaine/Baldwin, dont il a prononcé la première conférence annuelle. Ce symposium, créé en hommage aux pères fondateurs de la réforme politique au Canada, explore l'histoire et le destin de notre démocratie. Bien que M. Saul n'ait pu consacrer beaucoup de temps à sa carrière d'écrivain durant le mandat, puisqu'il a préféré mettre l'accent sur les affaires vice-royales, il a publié deux livres : On Equilibrium, une réflexion morale sur le bien de la collectivité (2001), et The Collapse of Globalism, une critique du système financier international (2005).
« Qui n'est pas à la table? » John Ralston Saul était déterminé, par son patronage et par son action, à attirer l'attention sur les gens vivant en marge de la société et sur les échecs de notre société à leur égard. Rendant fréquemment visite aux sans-abri, aux marginaux et aux personnes handicapés, il profitait de son accès aux tribunes les plus prestigieuses du pays pour rendre compte de ce qu'il avait vu. Il a été l'instigateur de réunions du PEN à Affaires étrangères Canada et à Rideau Hall, lesquelles ont donné naissance à Writers in Exile, un réseau qui a trouvé des refuges dans diverses villes canadiennes pour 25 écrivains étrangers fuyant la persécution.
Une passion pour le Nord. Voyageant énormément, autant pour son propre compte qu'en compagnie de la gouverneure générale, John Ralston Saul a pris part à des festins communautaires dans des dizaines de collectivités nordiques et autochtones qui n'avaient jamais auparavant reçu de visite vice-royale. Profondément attaché au Nord depuis les années 1970, il a effectué de nombreuses expéditions dans cette région, notamment des excursions en canot sur la rivière Snake au Yukon et une expédition hivernale avec deux rangers à partir de Pond Inlet.
Canadianisation : Un bel hommage. Les membres de la grande famille des Forces canadiennes, surtout les anciens combattants, ont bénéficié de l'intérêt particulier et de la gratitude de John Ralston Saul. Chaque année, durant les vacances des Fêtes, il accompagnait la gouverneure générale, dont le père était aussi un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale, lors de ses visites aux militaires canadiens, que ce soit au Kosovo et en Bosnie, ou à bord de navires dans le golfe persique ou, à deux reprises, à Kaboul (Afghanistan). Il a été le premier membre d'un couple vice-royal à partir en patrouille avec des soldats dans une zone de guerre. Au Canada et à travers l'Europe, il a rencontré, en compagnie de la gouverneure générale, des soldats canadiens blessés et les familles de soldats défunts et partagé les récits et les peines des anciens combattants canadiens. Il convient de souligner notamment que M. Saul a rencontré des centaines d'anciens combattants avec qui il a voyagé lors des cérémonies marquant le 60e anniversaire des derniers jours de la Deuxième Guerre mondiale.
« Il n'y a jamais d'idée grandiose ou de détail trop modeste. » Voilà comment un cadre de la haute gestion de Rideau Hall a décrit la détermination farouche avec laquelle John Ralston Saul s'est employé à "canadianiser" Rideau Hall. M. Saul a célébré la richesse des traditions de la résidence du gouverneur général, tout en insistant sur l'adoption d'une façon de faire moderne et progressive. Grâce à ses efforts, les quelque 200 000 personnes qui visitent le domaine chaque année peuvent voir davantage d'œuvres d'art et de mobilier canadiens classiques et contemporains, et même des fleurs et des plantes indigènes. C'est à lui que l'on doit l'aménagement du rond-point à l'entrée de la promenade Sussex, du jardin de la Cour des ambassadeurs avec son monument qui rend hommage à la topographie du Bouclier canadien, et du tout premier jardin forestier à Rideau Hall. Des vergers, des fleurs indigènes et même un vignoble ont été introduits, et les arbres commémoratifs plantés par les chefs d'État étrangers ont été identifiés.
M. Saul, un connaisseur de vins, a transformé le cellier de Rideau Hall en une cave à vins entièrement canadienne. Des vins canadiens étaient servis lors de toutes les réceptions officielles, y compris lors de dîners d'État offerts en Islande et en Finlande. Il a également encouragé les responsables de la cuisine à mettre l'accent sur les poissons, les viandes, les légumes, les fruits et les spécialités culinaires de toutes les régions du pays. Beaucoup de légumes servis aux repas étaient cultivés sur place, y compris les fines herbes d'un nouveau potager réservé à cette fin. Lors du dernier dîner tenu durant le mandat de son épouse pour les récipiendaires de l'Ordre du Canada, M. Saul a étrenné le service en porcelaine "Feuille d'érable" qu'il avait commandé à l'artiste Bill Reddick et à la conception duquel il avait participé.
Citoyenneté et démocratie. John Ralston Saul a été loué maintes fois pour la fougue avec laquelle il a toujours défendu le système d'éducation publique, surtout pendant ses années à Rideau Hall. " Chaque fois qu'on affaiblit le système d'éducation publique, on affaiblit la démocratie ", ne cessait-il de répéter. Il a encouragé les universités à bâtir leur capacité d'offrir des cours dans les deux langues officielles. Afin de réduire le fardeau des dettes des étudiants de niveau postsecondaire, il prônait un système d'éducation publique qui engloberait les études au-delà du secondaire. Lors de dizaines de conférences publiques et de discussions d'experts, John Ralston Saul a incité les Canadiennes et les Canadiens à approfondir leur connaissance des idéaux de la citoyenneté et à les mettre davantage en pratique. À maintes reprises, il a cité des extraits de l'Adresse de Louis LaFontaine aux électeurs en 1840, document qu'il considère comme "la pierre angulaire du Canada moderne". Pour LaFontaine, "l'égalité sociale" était "la caractéristique distinctive" du pays, et il a dit "Il ne peut exister en Canada aucune caste privilégiée, en dehors de la masse de ses habitants."
Reconnaissance internationale. Outre les nombreux grades honorifiques et autres récompenses qui lui ont été décernés par diverses institutions au Canada et à l'étranger, John Ralston Saul a été honoré d'une manière remarquable en 2004, à l'occasion du 100e anniversaire de naissance du grand poète et activiste Pablo Neruda. M. Saul a alors été décoré de la Médaille d'honneur du gouvernement chilien, devenant le seul Canadien à recevoir cet hommage.
De retour à Toronto. Vers la fin du mandat de la gouverneure générale, en septembre 2005, c'est à Toronto que le couple a fait l'une de ces dernières visites. Les deux rencontres qui ont eu lieu dans cette ville reflétaient le thème de l'inclusion et celui de la véritable citoyenneté canadienne, tous deux représentatifs des années de service de John Ralston Saul à Rideau Hall. Dans l'un des quartiers les plus troublés de la ville, il a pris la parole lors de l'ouverture d'un nouveau centre de ressources pour les jeunes, encourageant ces derniers à trouver leur propre façon de participer à la vie de leur ville et de leur pays. Deux jours plus tard, dans le temple historique Sharon, il a parlé de la croissance de notre démocratie. Qualifiant le Canada de "seule nation du monde occidental qui ait été édifiée sur une base intellectuelle" avec comme fondements, les idéaux de "paix, de bien-être public et de bonne gouvernance", M. Saul a retracé notre évolution civique et souligné le rôle que ce bâtiment historique a joué dans cette évolution.
Quelques jours plus tard, immédiatement après l'investiture de Michaëlle Jean à titre de 27e gouverneure générale, John Ralston Saul et Adrienne Clarkson ont pris la route à bord de leur propre voiture pour retourner chez eux à Toronto, redevenant ainsi simples citoyens, mais citoyens profondément engagés.