Ce contenu est archivé.
Guelph (Ontario), le jeudi 25 juin 2015
Merci à vous tous d’être ici.
Cette occasion de nous rassembler est remarquable à plus d’un égard.
Il est remarquable que nous nous réunissions pour inaugurer cette statue cent ans après que John McCrae eut écrit « In Flanders Fields » (« Au champ d’honneur »).
Il est remarquable qu’un poème écrit près de la ligne de front sur un bout de papier ait survécu à la Première Guerre mondiale, alors que son auteur, comme des millions d’autres personnes, n’ont pas eu cette chance.
Il est remarquable que l’on se souvienne aujourd’hui de John McCrae, natif de Guelph, pour un seul rondeau de 15 lignes plutôt que pour ses talents de médecin.
Et un excellent médecin assurément.
Peu savent qu’avant la guerre, John McCrae a été médecin interne auprès du Dr William Osler, cet illustre Canadien que l’on a surnommé « le père de la médecine moderne ».
En fait, le professeur et mentor de John McCrae, le Dr John Adami, de l’Université McGill, a dit de son étudiant qu’il était « le médecin le plus doué de sa génération ».
Pensez-y un instant. Le médecin le plus doué de sa génération.
Les talents de médecin de John McCrae ont sûrement été très en demande sur les champs de bataille de la Belgique et de la France.
Même si j’aime beaucoup le poème « In Flanders Fields » pour le message poignant qu’il nous livre sur l’importance du souvenir, je regrette que John McCrae ait eu l’occasion de l’écrire.
Imaginez seulement ce qu’il aurait pu accomplir s’il avait vécu en temps de paix.
Imaginez-le en médecin de famille ou en spécialiste pratiquant ici-même à Guelph, plutôt qu’en médecin militaire au milieu du carnage et de souffrances indescriptibles dans une tranchée boueuse près d’Ypres.
Imaginez seulement ce qu’il aurait pu accomplir dans le domaine médical en temps de paix, s’il n’avait pas servi dans les champs de Flandre en temps de guerre.
Hélas, tel ne fut pas son destin.
Aujourd’hui, grâce à son célèbre poème, le coquelicot est devenu un symbole universel de commémoration. Mais John McCrae lui-même symbolise tout autre chose : la terrible perte de vies humaines et de possibilités qu’a été la Première Guerre mondiale. Il est mort d’une pneumonie avant la fin de la guerre, épuisé, à l’âge de 45 ans.
Certains pourraient penser qu’écrire de la poésie au beau milieu d’une guerre mondiale est un geste désespéré, futile.
Pour ma part, je pense qu’il s’agit d’une réponse tout à fait compréhensible aux horreurs de la guerre.
Examinons le mot « poème » lui-même. Il est dérivé du mot grec « faire ».
Si un poème est une « chose faite », la Première Guerre mondiale a été tout le contraire.
Elle a défait les choses.
Des vies humaines, des familles, des villes et des villages, des pays entiers et toute une civilisation ont été décimés par cette guère qui a été baptisée « la dernière des dernières ».
L’un de nos devoirs de mémoire envers ceux qui ont servi est de nous rappeler que la guerre n’est jamais glorieuse – même lorsqu’elle est traduite en vers.
La guerre est l’aveu de notre échec à résoudre nos différends par d’autres moyens.
Et à cause de cet échec, des personnes réelles doivent payer un terrible tribut. Des personnes réelles comme John McCrae.
C’est pourquoi ceux et celles qui ont survécu à la Première Guerre mondiale ont dit « plus jamais ».
N’oublions jamais.
L’automne dernier, j’ai eu le privilège de visiter en Belgique le site où John McCrae a servi et où il aurait écrit son poème « In Flanders Fields ». J’ai imaginé ce qui lui est passé par la tête lorsqu’il a griffonné ces quinze lignes en l’espace de quelques minutes.
C’est un site empreint de solennité, et je suis fier de constater que la mémoire de John McCrae sera immortalisée au Canada par cette statue et son pendant à Ottawa. J’offre mes remerciements à tous ceux et celles d’entre vous qui avez participé à cet effort.
Rappelons-nous de lui.