Forum de Banff

Le 17 octobre 2025

Sous réserve de modifications

J’ai l’honneur de m’adresser à des leaders issus de tous les secteurs d’activité de notre grand pays.

Nous assistons à une profonde transformation de notre société.

C’est une période de défis et de menaces, mais aussi, de possibilités et d’espoir.

Les bouleversements qui se produisent dans le monde ont de réelles répercussions chez nous.

Ils créent de l’incertitude pour les entreprises canadiennes. Ils entraînent des pertes d’emplois, font grimper le coût de la vie et imposent un lourd fardeau aux familles de tout le pays.

Les conflits d’ailleurs alimentent des tensions culturelles ici, dans nos communautés.

À l’heure actuelle, bien des Canadiens et Canadiennes ont le sentiment que leur identité, leur mode de vie et leurs valeurs sont menacés.

En réaction, certaines personnes choisissent la solidarité et la collaboration.

D’autres, malheureusement, se renferment sur eux-mêmes, sous l’effet de la peur, ou se mettent en colère.

Notre pays n’est pas à l’abri des crimes haineux, du racisme, ni de la discrimination.

En ligne, le mépris, la polarisation et la désinformation sont monnaie courante.

Par exemple, certains vont jusqu’à nier publiquement les vérités douloureuses partagées par les survivants des écoles résidentielles.

Mais nous avons déjà vécu des clivages et des adversités de taille dans le passé.

Nous savons ce qu’il faut faire pour édifier un pays solide.

Le Canada a toujours été une nation accueillante, une nation qui sait embrasser les différentes identités. Nous comprenons la diversité comme beaucoup d’autres pays ne le font pas.

Malgré les défis de taille, je suis heureuse de constater un regain de fierté nationale au sein de la population canadienne, surtout à l’occasion de célébrations comme la fête du Canada.

Je me réjouis de voir des gouvernements et des organisations comme les vôtres s’unir comme jamais auparavant pour renforcer notre économie et établir des partenariats inclusifs dans tous les secteurs.

Ces dernières années, j’ai également été témoin de puissants efforts de réconciliation dans l’ensemble du pays.

Il y a dix ans, la Commission de vérité et réconciliation a réveillé notre conscience collective en nous faisant entendre les voix des survivants des pensionnats.

Et un véritable changement est en train de s’opérer.

Je constate une volonté croissante de la part des Canadiens de mieux comprendre notre histoire.

J’ai vu les traditions autochtones prendre la place qui leur revient lors de commémorations et d’événements internationaux.

J’ai vu des institutions mettre en valeur les cultures autochtones, comme le Musée de la civilisation du Québec, tout près d’ici.

Les gouvernements ont nommé des monuments et des espaces publics en l’honneur des peuples autochtones, permettant ainsi une représentation plus équilibrée de l’histoire du Canada.

Dans des villes comme Québec, les gens ont développé des services essentiels pour mieux soutenir les Autochtones.

Par exemple, j’ai appris que dans plusieurs hôpitaux de Québec, les patients autochtones peuvent être accompagnés par quelqu’un qui comprend leur culture, leur langue et leurs besoins spirituels.

Une chambre culturelle a même été créée à l’Hôtellerie hospitalière de Québec pour mieux respecter les approches autochtones de la guérison.

C’est une aide réconfortante pour les patients et les familles.

À travers le Canada, la communauté scientifique reconnaît la contribution du savoir autochtone à la lutte contre les changements climatiques en y intégrant la sagesse intemporelle et immuable des Inuits.

Je suis fière de voir que notre régime de distinctions honorifiques est de plus en plus représentatif de la diversité canadienne.

Par exemple, l’Ordre du Canada comprend d’éminents membres autochtones, comme la cinéaste et chanteuse abénaquise Alanis Obomsawin.

Nous avons rendu hommage au regretté acteur Graham Greene, dont le talent a tant enrichi notre paysage artistique.

L’Ordre du Canada comprend des leaders autochtones rassembleurs comme le défunt Max Gros-Louis, de Wendake, tout près d’ici.

Je suis également optimiste de voir les communautés autochtones, les différents ordres de gouvernement et les Canadiens faire front commun pour relever des défis graves et complexes, notamment les niveaux disproportionnés et alarmants de violence que subissent les femmes et les filles autochtones.

Dans les communautés comme celle où j’ai grandi, au Nunavik, les femmes sont le cœur de la famille et les gardiennes de la culture.

Quand une femme autochtone disparaît, c’est un pilier de la communauté qui s’effondre.

C’est pourquoi il est encourageant de voir un tel éventail d’efforts — de la lutte contre la traite des personnes à l’élargissement de l’accès aux refuges, en passant par le soutien à la guérison et au rétablissement à la suite d’un traumatisme.

Je salue ce travail concerté.

C’est le signe d’une prise de conscience croissante du fait que, pour mettre fin à la violence fondée sur le genre et pour s’attaquer au racisme systémique dans nos services publics, il faut faire plus que de petits ajustements.

Il nous faut un changement profond de notre mentalité collective.

Il faut que chaque personne au Canada comprenne une vérité toute simple :

Le piège du repli sur soi n’est jamais loin.

Ce n’est pas une question de « nous » contre « les autres ».

Toutes les personnes sont interconnectées.

Telle est la nature de la réconciliation.

Dans un pays aussi vaste et diversifié que le Canada, la réconciliation dépasse les relations entre les peuples autochtones et non autochtones.

Elle concerne les relations que nous entretenons les uns avec les autres sans distinction de race, de sexe, de langue, de culture, de religion ou de vision du monde.

Elle est le reflet des multiples communautés — passées et présentes — qui ont œuvré, et continuent d’œuvrer, à l’édification d’un Canada plus fort.

En tant que leaders représentant différents secteurs, vous avez le pouvoir et l’influence nécessaires pour modeler ce processus.

La réconciliation commence à être source d’espoir dans tout le pays.

La chose qui me touche le plus actuellement, c’est de voir que de plus en plus de jeunes autochtones ont la fierté d’apprendre et de parler leurs langues ancestrales aujourd’hui.

La plupart des gens de ma génération se sont vu interdire de le faire à l’école.

Les écoles ouvrent leurs portes à l’enseignement des langues autochtones.

Les gouvernements et les universités font appel aux Aînés pour les aider à concevoir des outils numériques destinés à permettre aux jeunes d’apprendre des langues comme le salish, le cri, l’inuktitut, le mohawk et bien d’autres encore, certaines d’entre elles n’étant parlées couramment que par une poignée de locuteurs.

Ce sont des progrès très éloquents.

Ils permettront aux jeunes autochtones de construire leur avenir professionnel tout en assumant leur identité avec fierté.

Ils annoncent une évolution vers une plus grande équité et l’égalité des chances pour tous.

Cela me remplit d’espoir pour l’avenir.

Je remercie tous ceux parmi vous qui contribuent à ces progrès.

La mosaïque unique d’identités du Canada n’a jamais été une faiblesse, elle a toujours été notre atout.

Nous devons donc continuer à cheminer sur la voie de la réconciliation, aussi difficile soit-elle.

Le 1er octobre, nous avons hissé le drapeau des survivants à Ottawa pour rendre hommage aux enfants qui ont été envoyés dans des pensionnats et qui ne sont jamais rentrés chez eux, ainsi qu’à ceux qui ont survécu.

Un survivant a expliqué que, pour lui, parler de son expérience ne revenait pas à revisiter le passé. Il s’agissait de tendre une main aux Canadiens.

Pour avancer ensemble.

Les Canadiens ont les outils nécessaires.

Nous avons accès aux connaissances et à l’éducation. Nous vivons dans une démocratie. Nous jouissons de la liberté d’expression.

Veillons à ce que la réconciliation soit plus qu’un simple plan d’action gouvernemental.

Considérons-la comme une valeur canadienne, qui oriente nos décisions d’aujourd’hui et façonne notre avenir.

Aux personnes de notre entourage qui se sentent menacées et qui attisent les divisions, nous pouvons parler avec curiosité et humilité culturelle.

Nous pouvons montrer à quel point nous sommes tous interconnectés et décider de choisir la solidarité plutôt que l’isolement.

La collaboration plutôt que la division.

L’espoir plutôt que la peur.

Ce faisant, nous sortirons, ensemble, plus forts de cette période difficile.