Le 22 novembre 2022
Sous mode de réservations
Bonjour,
Je tiens à reconnaître que nous sommes sur le territoire non cédé de différents peuples autochtones, qui vivent sur cette terre et en prennent soin depuis des milliers d’années.
Je vous souhaite la bienvenue à la Citadelle pour la remise des Prix d’histoire du Gouverneur général 2021 et 2022.
Thomas King, le lauréat du Prix Pierre Berton 2022, a écrit un jour qu’il considérait que la rédaction d’un roman, c’était comme étaler du beurre sur une tartine chaude, tandis que la rédaction d’un ouvrage historique, ce serait comme flatter un porc-épic avec ses mains.
Cette affirmation me paraît intéressante car elle montre à quel point il est difficile de faire des recherches et d’écrire sur l’histoire, et de poser les questions délicates qui nous permettront de l’enseigner et de la transmettre.
Et comment pouvons-nous raconter l’histoire du Canada?
Le Canada est un pays diversifié, mais pendant longtemps, notre histoire n’a pas été fidèle à la richesse de cette diversité. Nos connaissances présentent des lacunes. Nous omettons et ignorons des événements, des politiques ou des vérités qui sont difficiles à affronter.
Le traitement infligé aux peuples autochtones en est un exemple. Et les Canadiens en position de pouvoir ou d’autorité sont restés très longtemps peu loquaces, et les propos tenus dénaturaient souvent les peuples autochtones ou les présentaient, eux et leur réalité, en termes racistes. Il s’agissait d’un racisme que l’on présentait comme un fait, comme de l’histoire, comme un enseignement à transmettre aux enfants.
C’était la réalité des peuples autochtones. C’est encore leur réalité aujourd’hui.
Il a fallu beaucoup de temps pour changer cette conception du monde. Et malgré les avancées, il y a encore tellement de chemin à parcourir. Mais nous faisons des progrès.
Ces progrès s’inscrivent dans le cadre du processus de réconciliation qui tente de renouveler nos relations les uns avec les autres et avec la terre. Et on ne parle pas ici d’une démarche ponctuelle, mais bien d’un processus permanent qui mobilise tout le monde, les autochtones comme les non-autochtones.
La Commission de vérité et de réconciliation nous a permis de réaliser des progrès. La Commission a rencontré des survivants, a consigné leurs témoignages et a analysé les lois, le contexte historique et les politiques préjudiciables qui ont donné lieu aux pensionnats. La Commission nous a permis de surmonter le silence et la méfiance, dans la perspective de favoriser une réforme institutionnelle et une meilleure prise en compte de notre passé.
Même après le rapport de la Commission, terminé en 2015, la plupart des Canadiens et Canadiennes ont appris avec étonnement et stupéfaction la découverte de tombes d’enfants anonymes sur des sites de pensionnats en 2021. Et ce, malgré le fait que ces informations étaient déjà connues, puisqu’elles figuraient dans le volume 4 du rapport final de la CVR, intitulé Pensionnats du Canada : Enfants disparus et lieux de sépulture non marqués.
Il a fallu une vague de soutien de la part de personnes qui, comme vous, ont compris que nous ne connaissions pas tous les faits de l’histoire, même s’ils étaient connus.
Aujourd’hui, dans le cadre des Prix d’histoire du Gouverneur général, nous reconnaissons l’importance de transmettre l’histoire de façon plus exacte et plus rigoureuse, maintenant que nous la connaissons.
Tout commence avec les enseignants, les historiens, les chercheurs, les pédagogues et les institutions – comme vous ici aujourd’hui – qui mettent en place des plateformes favorisant l’inclusion.
Vous êtes en première ligne du changement.
Vous avez constaté des lacunes dans le contenu de notre programme actuel et vous avez conçu des solutions formidables.
Je tiens à vous remercier de donner l’exemple en matière de réconciliation et de faire la lumière sur des questions importantes de notre monde contemporain – en abordant de front l’inégalité, la diversité et l’inclusion. Et de reconnaître que la haine existe dans ce monde... et qu’on peut la vaincre par le respect, la compréhension et l’écoute mutuelle.
Des voix ont déploré une sorte de « réécriture » de l’histoire, ou la remise en question de personnages historiques du patrimoine de notre pays. Mais il ne s’agit pas de cela. L’histoire, après tout, est constamment révisée à mesure que de nouvelles informations deviennent connues du public. La réalité, c’est que nous sommes en train de raconter une histoire plus complète, en faisant place aux récits de tous les peuples de notre pays.
Nous nous racontons des histoires, nous les transmettons de génération en génération.
Des histoires qui parlent de notre passé, de notre présent, de notre avenir.
Des histoires qui parlent de notre peuple, de nos familles, de notre communauté.
Des histoires racontées dans de multiples langues, dont certaines sont parlées sur cette terre depuis des temps immémoriaux.
(en inuktitut)
Des histoires racontées dans de multiples langues, dont certaines sont parlées sur cette terre depuis des temps immémoriaux.
Collectivement, ces histoires – les positives et les négatives – composent l’histoire du Canada.
Les Prix d’histoire rendent hommage aux personnes qui racontent nos histoires – toutes nos histoires – et qui ont des conversations difficiles, mais nécessaires, en particulier avec les jeunes.
Les lauréats et lauréates d’aujourd’hui proposent des plateformes pour permettre aux enfants de comprendre les communautés autochtones, la Commission Vérité et Réconciliation et ses appels à l’action; le peuple juif, l’antisémitisme et l’Holocauste; nos anciens combattants et leur sacrifice; l’expérience des immigrants. Tout cela, et bien plus encore.
Entre autres choses, vous avez publié des rapports, rédigé des livres, organisé des expositions d’art et produit des balados. Vous avez marqué les esprits et montré aux autres qu’il suffit d’agir pour en faire autant.
Je vous félicite d’aider à écrire l’histoire.
Mais ce n’est que le début pour vous. Je vous encourage à faire découvrir vos exploits le plus largement possible. Soyez une source d’inspiration pour les autres en suscitant la curiosité et l’intérêt des gens envers notre histoire. Faites en sorte que chaque personne au Canada puisse apprendre les vraies facettes de notre histoire.
Murray Sinclair, le lauréat du prix Pierre Berton 2021, a dit un jour que l’éducation est la pierre angulaire de la réconciliation.
Ce n’est que par l’éducation que nous pourrons construire la véritable histoire du Canada, une histoire inclusive, pour tous et par tous.
Hier, j’ai eu l’occasion d’échanger avec nombre d’entre vous sur cette question même, sur la nécessité d’une vision globale. Une façon de dresser le portrait global – de réunir les différents éléments historiques pour raconter la véritable histoire du Canada. Une sorte de manuel inclusif applicable partout, peu importe la sphère de compétence, pour nous aider à enseigner à nos enfants... dans l’optique d’un avenir meilleur pour tous.
Merci.