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London (Ontario), le mercredi 21 juin 2017
Permettez-moi de souligner que nous sommes réunis sur les territoires traditionnels des peuples Anishinaabeg, Haudenosaunee, Lunaapeewak et Attawandaron.
Je suis ravie d’être de retour sur le campus de l’Université Western, à London (Ontario), pour assister à la remise des diplômes de nos infirmières et infirmiers et de nos avocates et avocats fraîchement diplômés.
La famille Johnston vivait à London bien avant votre naissance. Il y a 42 ans, mon époux, David, aujourd’hui vingt-huitième gouverneur général du Canada, est devenu le plus jeune doyen de la faculté de droit ici. Je me souviens de son insatisfaction devant la résistance qu’il a observée quand les ordinateurs ont fait leur entrée à la faculté de droit. Cela est pourtant difficile à croire lorsque nous pensons à la façon dont la technologie influence maintenant tous les aspects de nos vies quotidiennes.
Le droit de la famille était aussi en train de se transformer. En 1976, la Commission de réforme du droit du Canada a recommandé, en ce qui concerne le droit de la famille, que l’échec du mariage soit considéré comme un motif suffisant de divorce, ce qui éliminait la nécessité d’embaucher un détective privé, comme ma mère l’a fait, pour espionner mon père infidèle. Bien qu’il ait fallu de nombreuses années pour modifier la loi, les hommes et les femmes sont maintenant libres d’épouser la personne qu’ils aiment et de former des familles.
Martin Luther King a dit « l’arc de l’univers moral est long, mais il tend vers la justice ». L’ancien président Barack Obama a prononcé cette phrase de Luther King lorsqu’il s’est récemment adressé aux Canadiens. J’ai 74 ans et lorsque j’étais jeune, on ne parlait ni d’homosexuels ni de placards. Je suis maintenant une personne beaucoup plus informée. Récemment, lorsque j’ai rencontré un groupe de personnes LGBTQ à Waterloo, j’ai promis de prendre part au défilé de la fierté gaie.
L’évolution du droit est la preuve concrète de l’équité et d’expression de la pensée moderne au sein de notre société. À titre de nouveaux diplômés, vous ferez sans doute des avancées aussi importantes, lorsque votre diplôme vous permettra de pratiquer, d’enseigner ou d’appliquer le droit. Que ce soit à titre d’avocats, de professeurs, de juges, de politiciens ou de chefs d’entreprise, c’est à vous qu’il reviendra de transformer la société pour la rendre meilleure.
Et aux infirmières et aux infirmiers recevant leur diplôme aujourd’hui, je suis heureuse de dire que je vous comprends et vous admire pour votre choix de carrière. Ma grand-mère, ma mère et ma sœur étaient toutes des infirmières. Ma grand-mère, une infirmière britannique hautement spécialisée, a créé la première clinique de traitement des maladies vénériennes au Canada après la Grande Guerre. Ma mère aussi a reçu une formation d’infirmière. Plus tard au cours de sa vie, elle a ajouté la réhabilitation et le travail social à son parcours professionnel. Elle a mis sur pied le tout premier projet STEM (Service to Employ Mothers) financé par le gouvernement fédéral. Ma sœur, après avoir obtenu son diplôme en santé publique, a décidé de travailler dans le Nord pour contribuer à l’amélioration de la vie des peuples autochtones.
Je vous remercie donc tous et toutes, qui faites partie de la profession infirmière ou de la profession d’avocat, d’avoir consacré votre talent et votre énergie à des carrières si nobles.
La collation des grades devrait constituer une occasion de souligner et de célébrer, non seulement l’effort extraordinaire que vous avez déployé, mais aussi les immenses possibilités qui s’offrent à vous. Ces possibilités, vous les aurez parfois planifiées ou elles se présenteront de façon inattendue. Vous disposerez alors d’occasions innombrables pour améliorer la qualité de vie des personnes qui vous sont chères, et même celle de personnes que vous n’avez jamais rencontrées.
Mais chez toutes les personnes que vous rencontrerez, sachez que la santé mentale est un état souvent précaire qui risque un jour ou l’autre d’avoir une incidence sur leur qualité de vie. La Commission de la santé mentale du Canada fait état d’une situation de crise en santé au pays, compte tenu du fait que 7 millions de Canadiens sont confrontés à des problèmes de santé mentale, ce qui engendre des coûts annuels de 50 milliards de dollars, soit 4 000 $ par personne par année.
Selon les statistiques, un Canadien sur cinq souffre d’une forme ou d’une autre de maladie mentale, mais si nous pensons aux conséquences pour les familles, les amis et les collègues, tous les Canadiens sont en réalité touchés. Ces statistiques ne tiennent pas compte des difficultés vécues par les personnes et les familles qui sont aux prises avec une maladie qu’elles craignent souvent de reconnaître.
Vous connaissez probablement des personnes qui ont fait preuve de courage et de ténacité lorsqu’elles ont été confrontées à des maladies mentales et qui ont réussi par elles-mêmes à se rétablir et à s’adapter. Il m’a fallu du courage il y a 40 ans pour demander de l’aide lorsque j’ai senti que je ne pouvais plus composer avec cinq filles nées en sept ans. En passant, je ne recommande pas ce rythme de reproduction accéléré.
C’est seulement aujourd’hui que je trouve cette situation amusante. Mon époux était absorbé par la gestion de la faculté de droit et je me sentais comme si j’étais une mère monoparentale. Comme de nombreuses personnes dans une telle situation, j’ai consulté mon médecin pour obtenir de l’aide. Et je l’ai obtenue. Après six mois de consultation, je ne ressentais plus d’anxiété ni de colère. De plus, je me sentais physiquement bien, ce qui est tout aussi important. Je suis devenue une coureuse enthousiaste, parcourant près de dix kilomètres par jour sur le campus de l’Université Western. Sans les sages conseils de ce médecin, je ne crois pas que je serais ici devant vous aujourd’hui. Il n’y a rien de mal à avoir besoin d’aide psychologique. Ce qui est mal, c’est de ne pas en demander.
Mais les choses s’améliorent. J’ai eu la chance d’observer de mes propres yeux les progrès considérables réalisés dans les soins de santé mentale en ce qui concerne la lutte contre l’itinérance, la prévention du suicide chez les jeunes, le soutien aux jeunes adultes, aux familles, aux Autochtones et à tous les membres de notre société en difficulté.
Nos efforts pour réduire les préjugés dans l’armée, la fonction publique et sur le marché du travail ont beaucoup progressé. Les deux derniers greffiers du Conseil privé, en tant que fonctionnaires les plus haut placés du Canada, ont déclaré que la santé mentale constituait l’une des priorités de la fonction publique fédérale. Nos militaires, dans la cadre du programme de préparation mentale au retour, ont signalé à leurs effectifs que le fait de demander et de recevoir des soins pour un problème de santé mentale ne devait pas limiter leur avancement. Nous avons tous un rôle à jouer.
À titre de membres de la profession infirmière et de la profession d’avocat, vous ferez partie des personnes les plus respectées de vos communautés. Vous serez des chefs de file. Dans le cadre de vos professions, vous serez en mesure de soutenir, de conseiller, d’orienter et d’encourager les personnes souffrant de problèmes de santé mentale tout au long de votre carrière. Et beaucoup d’entre vous seront en mesure de participer au traitement, à la recherche, à l’élaboration de politiques et même à la préparation de lois qui, comme les changements auxquels j’ai assisté dans les années 1970, permettront de redéfinir la perception des Canadiens face aux personnes qui suscitaient autrefois de la crainte et des préjugés dans la société et de remanier en conséquence les soins qui leur seront prodigués.
Je vous remercie dès maintenant d’utiliser votre éducation et vos capacités intellectuelles pour contribuer à améliorer la situation.
Cependant, j’ai un autre message, plus personnel celui-là, pour chacun de vous. Au-delà du service et du soutien que vous donnez aux autres, je vous encourage à bien prendre conscience du fait qu’à titre de jeunes professionnels en début de carrière, vous entrez sur le marché du travail pendant la période la plus occupée de l’histoire humaine.
Les ordinateurs et les télécommunications ont rendu les miracles possibles, mais ils ont aussi pour effet de comprimer le temps à un rythme auquel les humains ne se sont pas encore adaptés. Même si notre santé physique et notre longévité continuent de s’améliorer, notre santé mentale risque de subir les contrecoups d’un tel stress.
Voici donc le message que je veux vous adresser personnellement.
À l’aube de votre carrière, je vous invite à vous souvenir de trois choses simples.
D’abord, trouvez dès maintenant dans la communauté les ressources en santé mentale qui sont déjà offertes… avant même que vous en ayez besoin.
Ensuite, parlez de l’enjeu de la santé mentale avec vos pairs. Ils pourraient avoir besoin de votre soutien. Le stress éprouvé par les avocats et le personnel infirmier est aussi grand, ou même plus grand, que celui de toute autre profession. La fatigue, l’épuisement professionnel, le stress familial et les stratégies d’adaptation, notamment la consommation d’alcool et de drogues, sont des problèmes relativement fréquents chez les professionnels hautement qualifiés. Soyez ouverts et à l’écoute de vos collègues.
Enfin, soyez honnête avec vous-même. Vous accédez à une profession où les exigences sont notoirement élevées, et vous êtes une ressource précieuse pour le Canada que nous ne pouvons pas nous permettre de laisser tomber. Il est tout à fait indiqué et honorable de demander de l’aide si vous en avez besoin. Montrez l’exemple en trouvant le courage de demander rapidement de l’aide. Tirez ensuite des leçons de cette expérience de façon à pouvoir en faire profiter les autres.
Voilà donc tout simplement les trois petits conseils que j’avais à vous offrir. Lorsqu’il est question de santé mentale, tenez-vous informés, soutenez vos collègues et prenez soin de vous. Vous ne pouvez pas vous tromper.
Je vous remercie du grand honneur que vous m’avez accordé aujourd’hui. Je suis non seulement ravie d’être en votre compagnie, mais aussi fière de vous compter parmi mes collègues lorsqu’il s’agit d’améliorer la santé de tous.