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Ottawa (Ontario), le mercredi 13 avril 2016
Bonjour à tous et bienvenue tout spécialement à ceux et celles qui ont fait un long voyage pour être ici.
Vous avez raté l’hiver — de très peu!
Avant de commencer, j’aimerais souligner le fait que cette conférence se tient sur le territoire traditionnel de la nation algonquine.
En fait, le mot « Ottawa » vient de l’algonquin et signifie « commerce ». C’est tout à fait logique vu l’emplacement de la ville, à la jonction de trois grandes rivières : la rivière des Outaouais, la rivière Gatineau et la rivière Rideau.
Pensez-y un peu. Pendant des siècles, les gens se sont réunis ici pour échanger des biens, des idées et des histoires.
Aujourd’hui, nous poursuivons cette tradition. Notre thème est le rôle de l’éducation supérieure dans l’avancement des objectifs de développement durable.
Mais laissez-moi d’abord vous raconter une histoire.
Elle se déroule il y a quelques années, soit en 1981, à Karachi, au Pakistan.
Comme vous le savez peut-être, c’est à Karachi que l’on trouve l’Université Aga Khan, l’un des meilleurs établissements d’enseignement du Pakistan.
Aujourd’hui, l’Université est un chef de file en médecine, mais peu de gens savent que cette renommée découle en partie de l’extraordinaire partenariat qui existait au début des années 1980 entre l’Université Aga Khan et des universités nord-américaines, dont l’Université McGill à Montréal.
Ce partenariat a permis à Walter Spitzer, un épidémiologiste réputé de McGill, et à son équipe de collaborer étroitement avec leurs homologues pakistanais pour mettre en place un modèle de médecine communautaire fructueux à partir des leçons apprises par McGill.
Grâce à cette collaboration, le nouvel hôpital de l’Université Aga Khan a pris appui sur l’expérience de McGill pour offrir des services de santé publique à Karachi.
À cette époque, j’étais président de McGill et j’ai eu la chance de venir à Karachi pour l’ouverture du nouvel hôpital universitaire.
Je me souviens avoir été très impressionné par cette initiative audacieuse!
Le but était très ambitieux : amener le meilleur de la médecine occidentale dans un pays ayant des coutumes et des traditions très distinctes.
L’un des plus grands défis a été d’ouvrir l’école des sciences infirmières. Bon nombre des étudiants dans ce domaine étaient des femmes, mais, selon la tradition, il était interdit aux femmes professionnelles de la santé de soigner des hommes et des garçons.
Comme vous pouvez l’imaginer, seule une très grande sensibilité culturelle permet de surmonter ce genre d’obstacle. Cela a été fait avec beaucoup d’élégance et selon des normes professionnelles élevées, grâce à un partenariat avec l’École des sciences infirmières de l’Université McMaster de Hamilton. D’ailleurs, le tout premier doyen de l’École des sciences infirmières de l’Université Aga Khan était un ancien professeur de McMaster.
En gardant cette histoire à l’esprit, j’aimerais aborder brièvement trois thèmes pour orienter les discussions à venir :
L’inclusion, l’innovation et la diplomatie.
Je commencerai par l’importance cruciale d’établir des institutions solides et inclusives — y compris des établissements d’enseignement — comme fondement d’une société pacifique, prospère et pluraliste.
Vous comprenez tous qu’il s’agit là d’un objectif prioritaire, mais il n’en demeure pas moins difficile à atteindre.
Mais il est essentiel que nous réussissions.
Ici, au Canada, nous sommes toujours en apprentissage.
En fait, j’ai eu une preuve concrète de notre apprentissage lors d’une récente visite à l’Université Nipissing de North Bay — à quelque quatre heures de route à l’ouest d’Ottawa par la Transcanadienne.
Nipissing prend des mesures très intéressantes pour être plus inclusive quand il s’agit d’éducation autochtone.
L’Université dispose d’un bureau spécialisé dans les initiatives autochtones et a :
- un programme d’aînés en résidence,
- un salon étudiant autochtone et un espace sacré,
- une série de conférences autochtones,
- des programmes de mentorat,
- un pow-wow de bienvenue annuel,
- un rassemblement annuel pour les futurs étudiants autochtones,
- une semaine autochtone.
De plus, le président et recteur de Nipissing est Mike DeGagné, le tout premier président autochtone d’une université canadienne.
Je vous donne tous ces détails pour insister sur le fait qu’il n’y a pas qu’une seule façon de favoriser l’inclusion dans les établissements d’enseignement supérieur.
Il faut beaucoup de travail.
Il faut travailler sur plusieurs fronts.
Il faut du leadership et une vaste participation de la communauté.
Et il faut faire preuve d’innovation, sujet que j’aimerais maintenant aborder.
L’innovation est l’un de ces termes dont la signification varie selon la personne. Dans le présent contexte, je fais référence au fait de trouver des façons créatives pour améliorer de manière significative notre qualité de vie et bâtir une société plus inclusive et bienveillante. Il s’agit de prendre une idée qui existe déjà et de la refaçonner pour mieux faire les choses.
Les universités et les établissements d’enseignement supérieur sont bien placés pour contribuer au développement durable, parce qu’ils sont des centres d’innovation et de créativité!
Laissez-moi vous poser deux questions pour la suite de vos travaux.
Tout d’abord, que doivent faire les universités sur le plan de l’innovation pour appuyer le développement mondial? Il est beaucoup plus facile de frapper une cible claire qu’une cible floue, alors je vous encourage à répondre à cette question le plus précisément possible.
Ensuite, compte tenu des obstacles qui empêchent les universités des pays du Sud d’exploiter leur talent créatif, comment permettre à cette créativité innée de s’épanouir?
J’aimerais vous donner un bon exemple d’innovation internationale en éducation dont j’ai été témoin en tant que gouverneur général. Il s’agit de l’Institut africain des sciences mathématiques, ou AIMS, qui a trois grands objectifs :
-
promouvoir les mathématiques et les sciences en Afrique;
-
recruter et former des étudiants et des enseignants talentueux;
-
renforcer les capacités pour mener des initiatives africaines en éducation, en recherche et en technologie.
En 2013, j’ai visité la maison mère de l’Institut au Cap avec Jean Lebel, président du Centre de recherches pour le développement international, le CRDI. Le Canada a été un ardent défenseur de l’initiative de l’Institut grâce au leadership de M. Lebel et du CRDI.
En outre, à Waterloo, l’Institut Périmètre de physique théorique a noué un partenariat particulier avec l’Institut et son initiative À la recherche du prochain Einstein dans le cadre de ses efforts de sensibilisation à l’échelle mondiale.
En fait, il y a à peine quelques semaines, le directeur de l’Institut Périmètre et physicien Neil Turok, récipiendaire du prix John-Torrence-Tate de l’Institut américain de physique pour son action déterminante en physique à l’échelle internationale en 2016, a fait don de la somme reçue pour instaurer une nouvelle bourse d’études à l’intention des étudiants de l’Institut qui sont issus de milieux défavorisés.
M. Turok est né en Afrique du Sud et est cofondateur de l’Institut. Il a entrepris avec audace, dès le début de sa carrière, de fonder des établissements d’enseignement pour que le « prochain Einstein » puisse venir d’Afrique. En favorisant la collaboration internationale, il a aidé de nombreux étudiants de ce continent à concrétiser leur rêve de poursuivre des études supérieures.
Ce qui m’amène à vous parler de mon troisième et dernier thème : la diplomatie du savoir.
La diplomatie du savoir, c’est le processus par lequel des peuples et des cultures distincts se réunissent et améliorent la vie en échangeant leur savoir au-delà des frontières et des disciplines.
Et comme je l’ai appris à Karachi voilà plus de trente ans, l’Aga Khan est un sage praticien de ce genre de diplomatie. Il comprend que, fondamentalement, le développement durable est un exercice qui consiste à utiliser le savoir et la diplomatie dans une égale mesure.
L’un ne va pas sans l’autre!
Quand nous y parvenons, les résultats peuvent être remarquables.
En passant, si vous voulez en savoir plus sur mon admiration pour le leadership de l’Aga Khan, vous pouvez lire la lettre que je lui ai écrite dans mon nouveau recueil de lettres intitulé The Idea of Canada: Letters to a Nation. J’y examine la façon dont la diplomatie du savoir peut mener à un monde plus averti et bienveillant.
Si vous n’aviez qu’une chose à retirer de ma présentation d’aujourd’hui, ce serait ceci : demandez-vous comment votre organisation peut apporter sa contribution unique à un monde meilleur grâce à la diplomatie du savoir.
Parmi les projets auxquels je participe, il y a le programme de Bourses canadiennes du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II. Ce programme met à profit les liens qu’entretient le Canada avec le Commonwealth pour créer des possibilités d’études internationales et encourager une ouverture sur le monde chez les citoyens d’ici et d’ailleurs.
L’objectif est de créer une communauté dynamique de chefs de file tournés vers le monde.
Et je crois que nous sommes en voie d’y arriver!
En résumé, il y a :
L’inclusion.
L’innovation.
La diplomatie.
Je tiens à remercier chacun d’entre vous d’être ici aujourd’hui pour discuter du développement mondial intelligent.
Je vous souhaite une conférence fructueuse — et la meilleure des chances dans la poursuite de cet important travail.
Merci.