Allocution à la Vancouver Board of Trade — Le prochain crampon : l’innovation, facteur clé de l’édification d’un Canada plus averti et plus bienveillant

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Vancouver (Colombie-Britannique), le mercredi 28 janvier 2015

 

C’est un plaisir d’avoir l’occasion de m’adresser à un groupe de gens d’affaires visionnaires.

Je suis ravi de vous voir réunis ici aujourd’hui, car j’espère vous faire partager ma vision.

Ma présentation s’intitule « Le prochain crampon : l’innovation, facteur clé de l’édification d’un Canada plus averti et plus bienveillant ».

Le « dernier crampon » est celui qui a été planté pour achever le chemin de fer du Canadien Pacifique à Craigellachi, en Colombie-Britannique, en 1885.

À l’époque, l’achèvement d’un chemin de fer d’un océan à l’autre — une innovation extraordinaire sur les plans de l’ingénierie et de l’innovation — faisait partie intégrante du développement politique, économique et social du Canada, reliant le pays d’est en ouest.

Aujourd’hui, l’innovation incarne la nouvelle phase, ou ce qu’il faudra faire pour planter le « prochain crampon » et bâtir le Canada de demain.

L’innovation, que le Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation du Canada définit comme étant « le processus par lequel les particuliers, les entreprises et les organismes mettent au point, maîtrisent et utilisent de nouveaux produits, concepts, procédés et méthodes », est cruciale si l’on veut étendre notre orientation est-ouest historique à l’étranger afin d’accéder aux marchés émergents de l’Asie-Pacifique et de véritablement devenir une nation tournée vers le monde.

En quoi cela est-il si important? L’innovation et l’invention sont deux choses différentes. L’invention est un procédé scientifique, tandis que l’innovation est un procédé social et économique. Bien que les deux soient essentielles au succès d’une économie et d’une société, l’innovation est une caractéristique clé, un moyen d’atteindre la productivité dans une économie, ainsi qu’un facteur important qui influe sur le niveau et la qualité de vie dans une société.

Souvenez-vous aussi que l’innovation a des dimensions sociales et peut servir à améliorer la façon dont nous nous organisons et fonctionnons en tant que société, entreprise ou projet commun. De telles améliorations sont essentielles afin de s’adapter en période de changements et de conserver notre qualité de vie.

En tant que pays, le Canada produit davantage d’inventions que des pays beaucoup plus populeux; cependant, nous ne produisons pas suffisamment d’innovateurs — ou d’innovations — pour suivre la cadence internationale. En d’autres mots, nous ne dérivons pas suffisamment d’avantages sociaux de notre savoir.

L’innovation est une sphère accessible à tous. Nous devrions tous être avides d’y participer, car nous en sommes tous capables, en faisant preuve de curiosité et d’ouverture d’esprit.

Souvenez-vous aussi que l’esprit, à l’instar d’un parachute, fonctionne mieux lorsqu’il est ouvert. 

Aujourd’hui, les sociétés et les entrepreneurs du Canada bénéficient d’une conjoncture très favorable au sein des pays de l’Asie-Pacifique.

Vous savez aussi que cette situation ne durera pas indéfiniment.

Le Canada a déjà noué des liens économiques, politiques et sociaux étroits et significatifs avec la région de l’Asie-Pacifique. Cela est particulièrement vrai ici, à Vancouver. En effet, porté par la croissance des marchés émergents et la solidité de son programme d’immigration, le Canada est en train de devenir, de plus en plus, un pays du Pacifique.

La richesse et l’influence croissantes des pays de l’Asie-Pacifique dans le monde multiplient d’ailleurs les occasions d’engagement.

J’examinerai plus particulièrement quatre domaines sur lesquels le Canada doit se concentrer pour réussir en tant que partenaire en Asie-Pacifique, en l’occurrence :

1) créer et préserver un climat de confiance;
2) pratiquer la diplomatie du savoir;
3) renforcer notre bassin de talents grâce à la diversité;
4) reconnaître et célébrer l’excellence en innovation.

Permettez-moi de commencer par l’idée de créer la confiance : la manière à la fois juste et intelligente de procéder pour un pays averti et bienveillant.

On ne saurait exagérer l’importance que revêt la confiance dans le monde d’aujourd’hui – que l’on soit simple citoyen, membre d’un conseil des gouverneurs ou personnalité très en vue.

La nature relationnelle des transactions dans la région de l’Asie-Pacifique met d’ailleurs en évidence l’importance de cette confiance. Pour réussir dans la région, il ne faut pas miser seulement sur le prochain contrat, mais sur la santé et la vitalité à long terme de nos liens avec nos partenaires de l’Asie-Pacifique.

Heureusement, pour les entreprises et les entrepreneurs canadiens, l’un des avantages concurrentiels de notre pays réside dans notre réputation de partenaire fiable et digne de confiance.

Nous valorisons l’équité, la vision à long terme et la primauté du droit et préférons la coopération et le compromis au conflit.

La Mongolie, où je me suis rendu dans le cadre d’une visite d’État, à l’automne 2013, me permet d’illustrer la réputation de partenaire fiable dont jouit actuellement le Canada.

La Mongolie, un pays de l’Asie-Pacifique, devrais-je préciser, connaît une évolution fascinante vers un état moderne et démocratique, ce qui est rare dans la région immédiate. L’une de ses priorités consiste à renforcer la gouvernance démocratique, à assurer l’indépendance de la magistrature et de l’administration de la justice, et à créer une fonction publique professionnelle.

Or, la Mongolie a choisi de collaborer avec le Canada à cette fin.

Alors je vous demande, y a-t-il plus beau témoignage de l’intégrité et de la crédibilité de la fonction publique du Canada? Bien entendu, cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas faire mieux, mais cela atteste la solidité de « l’image de marque » internationale du Canada en matière de confiance.

N’oubliez pas qu’une fonction publique et une magistrature professionnelles, impartiales sur le plan politique et indéfectibles sont, pour une nation, les meilleures protections contre la corruption.

S’il jouit actuellement d’un avantage concurrentiel sur le plan de la confiance, le Canada ne peut toutefois se permettre d’adopter une attitude d’autosatisfaction ou de complaisance.

L’établissement de relations de confiance nous permet aussi d’innover. Le domaine de la responsabilité sociale des entreprises en est un autre où de nouvelles initiatives se prennent pour établir la confiance, mais nous pouvons faire plus.

Nous pouvons également innover dans notre façon de comprendre la solidité de nos réseaux, par exemple les relations interpersonnelles qui lient des millions de Canadiens et les membres de leur famille vivant en Asie-Pacifique. Nous devons nous demander en quoi ils peuvent contribuer à préserver la confiance dans la région.

Nous avons la chance de vivre dans un pays qui s’est attaché, mieux que bien d’autres, à intégrer les immigrants et à éliminer les obstacles entre « nous » et « eux ». Le Canada doit maintenant supprimer davantage d’obstacles érigés entre lui et ses partenaires étrangers.

La confiance est indispensable à la réussite du Canada en Asie-Pacifique, et cruciale pour planter le prochain crampon de la construction du Canada.

La deuxième priorité porte sur l’éducation et la diplomatie du savoir.

À l’heure actuelle, les trois principaux pays d’origine des étudiants internationaux au Canada sont la Chine, l’Inde et la Corée du Sud. Le Japon est septième. Les établissements postsecondaires canadiens ont gagné la confiance des pays d’Asie-Pacifique, un héritage dont nous devons tirer parti aujourd’hui.

J’ai eu le privilège, alors que j’étais à l’Université McGill, d’aller pour la première fois à Pékin dans les années 1980, après la Révolution culturelle qui visait à relancer les échanges médicaux Norman Bethune — un exemple fascinant de la confiance née du travail d’un Canadien en Chine. Cette visite et celles de nombreuses autres personnes par la suite ont abouti à la création d’un partenariat fructueux entre les universités canadiennes et chinoises, intitulé programme d’enseignement de la gestion Canada-Chine.

Du milieu des années 1980 jusqu’au milieu des années 2000, ce programme a permis à des universités canadiennes de jouer un rôle majeur en aidant les meilleures universités chinoises à établir l’enseignement de la gestion comme discipline sérieuse en Chine.

Avec l’aide de l’Agence canadienne de développement international, ce programme a relié entre elles 47 universités chinoises et canadiennes dans un cadre d’amitié et de coopération. Résultat? Ce programme a permis d’accroître la capacité institutionnelle chinoise en matière d’enseignement de la gestion, mais également d’établir plus de 60 programmes de maîtrise en gestion des affaires et de former des centaines de professeurs en Chine. Il a joué un rôle clé dans la transformation du développement économique en Chine et dans sa capacité à innover en affaires.

J’en suis venu à qualifier ce genre d’échanges de « diplomatie du savoir », ce qui signifie essentiellement la mise en commun de l’apprentissage et de l’innovation à travers les frontières et les disciplines. J’estime que l’éducation internationale est l’un des moyens les plus efficaces d’élargir notre apprentissage et de favoriser la prospérité et les partenariats entre les individus et les sociétés.

La diplomatie du savoir est évidemment une voie à deux sens; aussi faut-il absolument appuyer les étudiants canadiens qui souhaitent étudier à l’étranger. Le Canada doit faire autant que la plupart de ses voisins d’Asie-Pacifique, notamment l’Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, et aider la prochaine génération de Canadiens à acquérir les langues et les compétences qui leur permettront de s’engager plus efficacement en Asie.

Il me vient à l’esprit plusieurs bons exemples au Canada, tels que le Programme de travail à l’étranger de l’Alberta destiné aux jeunes professionnels. Grâce à sa Stratégie internationale en matière d’éducation, la Colombie-Britannique est également un chef de file du Canada en ce qui concerne l’établissement de liens en éducation internationale.

Selon le gouvernement de la Colombie-Britannique, la province accueille aujourd’hui près du tiers de tous les étudiants internationaux vivant au Canada. En 2012-2013, cela signifiait 112 800 étudiants internationaux provenant de 180 pays. Ces chiffres éloquents illustrent bien l’attrait international que suscite le Canada et que nous devrions mettre en valeur. Le Canada a une stratégie unique en matière d’éducation.

J’aimerais aussi souligner que l’éducation, l’innovation et le commerce sont liés. Si, par exemple, vous vous spécialisez dans l’énergie et avez des partenaires en Asie-Pacifique, il serait bénéfique de chercher des établissements d’enseignement canadiens et étrangers menant des activités de recherche-développement dans l’énergie dans la région. Ils sont nombreux.

Aujourd’hui, les partenariats en éducation, en innovation et en commerce sont indispensables à la réussite en Asie-Pacifique et ils sont cruciaux pour planter le prochain crampon de la construction du Canada.

Tout ceci m’amène à mon troisième pointé. Pour réussir en éducation, en innovation et en commerce, il faut des talents. Notre réussite à long terme dépend donc de notre capacité à trouver, à stimuler, à motiver et à déployer des personnes talentueuses au pays et à l’étranger. Grâce à sa diversité et à son multiculturalisme remarquable, le Canada possède là encore un nouvel avantage concurrentiel dans la région de l’Asie-Pacifique. Il s’agit de l’un des éléments de la création de talents sur lequel j’aimerais me pencher aujourd’hui. Il y en a d’autres. La diversité peut favoriser la création de talents.

En 2011, la population du Canada née à l’étranger comptait près de sept millions de personnes, soit 20 p. 100 de la population totale. Vancouver est le lieu de résidence de près d’un million d’immigrants, ou 14 p. cent de la population immigrante totale du Canada. Environ 40 p. cent de la population totale de Vancouver est née à l’étranger; la plupart est originaire de pays d’Asie-Pacifique, d’où le lien naturel unissant le Canada et ces pays d’origine.

Abordez la question dans l’optique linguistique. Je crois qu’on parle plus de langues au Canada que dans tout autre pays au monde. Sans compter le fait que les néo-Canadiens sont encouragés à conserver leur langue, leur héritage et leur culture maternelles, tout en embrassant les traditions de leur pays d’adoption. Pensez aux avantages que représentent, sur le plan du commerce, des talents et de la confiance, le fait de parler les langues de nos partenaires commerciaux de l’Asie-Pacifique et d’ailleurs au monde.

Songez aussi à ce que cette diversité peut faire pour l’innovation au Canada ou pour ce que j’aime appeler le QI de notre pays, c’est-à-dire son quotient d’innovation. Une population diversifiée nous permet d’élargir nos horizons et recèle d’idées et d’expériences dont s’inspirer. Pour paraphraser Saint-Exupéry dans Le Petit Prince, nos différences ne nous enlèvent rien les uns aux autres, elles nous enrichissent.

En tant que pays continuant de miser sur l’immigration, le Canada doit réitérer son engagement à l’égard de la diversité et considérer cette dernière comme un atout clé pour échanger avec le monde. Le Canada et les pays de l’Asie-Pacifique ont noué des liens interpersonnels forts et riches. Nous nous devons d’agir, pour nous et le monde entier, et de trouver des moyens novateurs de communiquer et de former des partenariats pour notre intérêt mutuel.

Comprendre le lien entre le talent et la diversité et déployer les talents est essentiel pour planter le prochain crampon de la construction du Canada.

Enfin, et cela compte pour tout ce que j’ai dit jusqu’à présent, il faut aspirer à l’excellence en ce qui concerne notre culture des affaires et de l’innovation. Cette déclaration en apparence banale est pourtant essentielle. Dans le monde interconnecté qui se profile, il n’est pas suffisant d’être bon. Le Canada est tout à fait capable de montrer la voie de l’innovation, mais pour ce faire, il doit vouloir être le meilleur.

En fait, je crois que les plus grands dangers qui nous guettent sont la complaisance ainsi que la tendance à l’insularité et au contentement lorsqu’il s’agit de concurrencer sur la scène internationale. Pensons seulement à l’investissement du secteur privé dans la recherche et le développement, exprimé en pourcentage de notre PIB. Selon le plus récent rapport du Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation, les dépenses intérieures brutes en recherche et développement au Canada ont progressivement diminué pour atteindre un creux de 1,7 p. cent en 2011, plaçant le Canada au 23e rang des pays de l’OCDE et des économies émergentes. Il se situe plus de 1,5 point de pourcentage derrière les cinq pays les mieux classés, à savoir Israël, la Finlande, la Corée, la Suède et le Japon.

N’oubliez pas : la recherche produit des idées à partir de l’argent, et le développement transforme les idées en argent et en innovations. Nous pouvons apprendre des nations de l’Asie-Pacifique sur la façon de nourrir nos ambitions. Nous avons également entretenu de grandes aspirations avec le programme À nous le podium, né ici même dans cette ville. Il aura permis au Canada d’accumuler les succès lors des Jeux olympiques d’hiver de Vancouver, de remporter 14 médailles d’or et de soulever l’appartenance et l’enthousiasme de la nation tout entière.

À l’instar de ce programme, nous devons nous fixer des attentes très élevées, innover et gagner. Surtout, nous devons cerner les innovateurs, les chercheurs et les entrepreneurs de premier plan et nous attacher à les faire reconnaître dans le monde entier.

Il existe de nombreuses occasions d’être chef de file, mais pour ce faire, nous avons besoin d’imagination, de pensée critique et de dynamisme afin de non seulement devenir les meilleurs au monde, mais d’être aussi reconnus en tant que tels.

Le Canada devrait se démarquer pour son excellence internationale en éducation, en innovation et en commerce, un élément clé pour planter le prochain crampon de la construction de ce grand pays.

Avec le 150e anniversaire du Canada qui arrive à grands pas en 2017, j’aimerais vous encourager, en votre qualité de chefs de file et d’entrepreneurs, à relever ce grand défi et à faire du Canada un pays d’innovateurs.

Je terminerai en citant mes vers préférés de George Bernard Shaw : « Certains regardent les choses comme elles sont et demandent ‘Pourquoi?’. Nous rêvons de choses comme elles devraient être, et demandons ‘Pourquoi pas?’ ».

Merci.