Conférence Atlantique à l’avant-garde : le Canada atlantique et notre monde en constante évolution

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Halifax, le vendredi 7 octobre 2011

 

Je tiens à vous remercier de m’avoir invité à cette conférence si unique et si importante. Plusieurs parmi vous savent à quel point je suis convaincu du pouvoir de la collaboration, alors vous comprendrez que c’est avec le plus grand optimisme que je me joins à vous pour ces discussions sur la place du Canada atlantique dans notre monde en constante évolution.

J’aimerais commencer par rappeler ce qui n’a pas changé, c’est-à-dire les liens de longue date que le Canada atlantique entretient avec le monde entier. Cette région est ouverte sur le monde depuis au moins le 16e siècle, lorsque les commerçants d’outre-mer exploitaient des centres de pêche saisonniers dans les Maritimes. D’ailleurs, nous apprécions tous l’importance de l’emplacement de cette conférence qui se tient au Quai 21, l’une des portes d’entrée au Canada qui a donné accès à de formidables perspectives d’avenir au fil de l’histoire.

Avec ce patrimoine comme toile de fond, examinons l’enjeu qui nous préoccupe aujourd’hui, un peu comme l’ont fait avant nous les braves pionniers canadiens. Comme eux, nous cherchons de nouveaux débouchés. Comme à leur époque, notre succès reposera sur notre capacité de travailler ensemble et d’innover.

Plus que jamais, nous devons le faire dans une perspective mondiale.

Il ne fait aucun doute que nous vivons une époque transformatrice. La révolution des communications qu’a entraînée Internet change le monde d’une façon incroyable, tout comme l’arrivée de la presse à imprimer au 16e siècle en Europe a changé le cours de la civilisation. J’estime d’ailleurs que l’histoire de l’imprimerie peut servir de point de départ à notre discussion d’aujourd’hui sur l’innovation.

Pourquoi? Parce que la presse à imprimer n’aurait jamais vu le jour si des innovateurs n’avaient pas uni leurs efforts. En Europe de l’Ouest, il aura fallu le concours de Johannes Gutenberg, Martin Luther et Frédéric, électeur de Saxe, trois hommes que j’ai l’habitude d’appeler John, Martin et Fred, pour transformer la société féodale d’alors. John a inventé la presse à imprimer vers 1450, ce qui a rapidement entraîné une faillite personnelle. C’est la traduction de la bible, trois quarts de siècle plus tard, par Martin, protégé des fureurs de Rome par Fred, que la presse à imprimer a véritablement attiré l’attention de l’Europe occidentale, en lançant la révolution culturelle protestante.

L’âge de la presse écrite est en fait arrivé sur le tard en Europe, puisque les Coréens disposaient déjà de caractères d’imprimerie mobiles dès le 3e siècle de notre ère et que Marco Polo avait vu en Chine, en 1215, des livres imprimés. Mais les civilisations européennes n’avaient que John. Il manquait l’apport des Martin et de leurs Fred. Cela pour dire que la contribution de ces trois hommes a été nécessaire pour faire connaître la presse à imprimer, qui est à la source de la tradition d’apprentissage par la lecture, la pensée critique et la discussion, et de la transformation du rôle de l’individu au sein de la société.

C’est ainsi que l’Europe est enfin sortie du Moyen-Âge.

Aujourd’hui, il nous faut de nouveaux regroupements, surtout des regroupements axés sur les recherches nouvelles et l’exploitation des technologies de communication modernes. J’aimerais vous parler un peu du Perimeter Institute for Theoretical Physics, qui est un établissement de calibre international voué à la physique théorique, situé à Waterloo, en  Ontario. Cet institut, qui est né de la générosité de Mike Lazaridis, de Research In Motion, s’est développé grâce à une étroite collaboration entre des universités, divers ordres de gouvernement et le secteur de la haute technologie, lequel exploite et alimente le processus. Dans un pareil regroupement dynamique, l’innovation naît d’un constant échange d’idées, de travaux de  recherche, de besoins et de renseignements entre tous les intervenants.

La barre est haute, car cet institut a pour mission d’explorer le monde qui nous entoure au niveau de la particule subatomique, où s’arrête pour l’instant notre compréhension des lois de la physique. Dans le domaine de l’informatique quantique, par exemple, les recherches menées par l’institut pourraient avoir des répercussions sur la loi de Moore, qui prévoit que la puissance informatique doublera tous les deux ans.

Pour ce qui est de la physique quantique, l’avenir est illimité. C’est ce qui explique que Stephen Hawking, qui vient de couper le ruban au centre qui porte son nom au Perimeter Institute, voit en Waterloo un des chefs de file mondiaux de la physique au 21e siècle, comme l’ont été l’Allemagne et Cambridge, en Angleterre, autrefois. Un grand nombre d’entreprises des domaines de la haute technologie et de l’innovation s’installent dans cette région, dont un institut des médias numériques qui vient d’ouvrir ses portes dans la petite ville de Stratford. Cet institut réunit des étudiants, des chercheurs et des entrepreneurs qui examinent et créent des perspectives dans le domaine des médias numériques.

Si je vous fais part de ces histoires, ce n’est pas pour focaliser l’attention injustement sur ce qui se fait ailleurs, mais plutôt pour introduire le thème des nouvelles frontières et pour souligner le fait qu’il n’est pas nécessaire d’être une grande ville pour devenir un chef de file. Tout au long de leur histoire, les Canadiens de l’Atlantique ont innové en tirant avantage de la terre et de la mer et en investissant dans les gens, grâce à l’éducation. J’ai la conviction que, de nos jours, nous devons unir nos forces, nos talents et nos ressources et ne pas hésiter à aller de l’avant, vers des horizons nouveaux que l’on n’aurait jamais pu imaginer.  

À titre de gouverneur général, j’ai eu le privilège, au cours de l’année, de visiter plusieurs collectivités de la région atlantique qui misent sur leurs racines, en établissant des regroupements et en faisant œuvre de pionniers d’une manière nouvelle et intéressante. Les Canadiens de l’Atlantique le font ici au pays et aussi à l’étranger. Permettez-moi de vous en donner un exemple.

Cela se passe au Moyen-Orient, où j’ai visité en février dernier le Newfoundland’s College of the North Atlantic lors d’une visite à l’État du Qatar. Des milliers de jeunes de partout dans le monde étudient et apprennent sur le campus de ce collège, situé à Doha. L’école emploie plus de 600 Canadiens, et de nombreux Qatariens y ont reçu une formation pour pouvoir occuper des emplois dans l’économie dynamique et en pleine croissance de cette région du monde. Ce remarquable collège de Terre-Neuve est maintenant la plus importante école technique offrant un programme complet au Qatar.

Grâce en partie à cette collaboration, les liens entre le Moyen-Orient et le Canada atlantique se raffermissent, et ce collège est au cœur d’un extraordinaire regroupement de chercheurs, de savants et d’innovateurs. De plus en plus d’étudiants de Terre-Neuve-et-Labrador ont la possibilité d’étudier et d’acquérir une expérience pratique à l’étranger, tandis que des étudiants du Qatar viennent au Canada dans le cadre de programmes d’échange. Ce merveilleux partenariat n’est pas le fruit du hasard. En effet, le College of the North Atlantic n’était qu’une des nombreuses institutions d’enseignement qui cherchaient à nouer un partenariat avec le Qatar, un pays qui accorde une grande valeur à l’éducation.

Alors, comment cela s’est-il produit? Pour deux raisons principales.

Premièrement, le collège s’est donné pour mission stratégique d’innover continuellement en matière de recherche et d’éducation et d’établir une collaboration exceptionnelle et des partenariats complètement intégrés avec l’État et l’industrie du Qatar. Ce haut niveau d’intégration et l’accent mis sur l’apprentissage ont permis au collège de répondre adéquatement aux besoins des étudiants, des employeurs et de l’État.

Deuxièmement, et ce que je trouve merveilleusement inspirant, c’est que les Qatariens et les Terre-Neuviens se lient rapidement d’amitié. La relation personnelle joue ici un rôle clé. Les décideurs au Qatar ont été impressionnés par les liens profonds que le collège entretient avec les collectivités locales et par sa capacité de collaborer avec des partenaires. Ces qualités, alliées à la souplesse des Terre-Neuviens et à leurs habiletés pratiques, ont été des facteurs déterminants dans cet arrangement.   

Ce partenariat me rappelle que le succès est tout à fait à notre portée, à la condition de pouvoir définir clairement nos forces, les unir et en tirer profit, et les démontrer au reste du monde. Comme le College of the North Atlantic l’a si énergiquement montré, l’une des grandes forces du Canada atlantique est la valeur que vous accordez à l’apprentissage et au travail collaboratif.

Au cours des nombreuses visites que j’ai effectuées l’an dernier dans les Maritimes, j’ai été à même d’observer les façons nouvelles et remarquables avec lesquelles les gens de la région assurent leur prospérité. J’ai pu, entre autres, visiter la société Provincial Aerospace Limited, à St. John’s. Cette entreprise, qui était à l’origine une petite école de pilotage est devenue un chef de file mondial dans le domaine de la surveillance maritime et de la reconnaissance aérienne. Elle emploie aujourd’hui 800 personnes, vend ses produits et services dans 30 pays et a des succursales dans les Caraïbes et au Moyen-Orient.

Ici encore, le succès repose sur la mise en valeur des forces locales et sur la demande mondiale. Dans ce cas-ci, la société Provincial Aerospace a misé sur sa longue expertise en pilotage et en navigation acquise dans les conditions météorologiques difficiles propres aux Maritimes, pour développer une ingénierie aérospatiale de pointe. Le savoir-faire local a servi de base aux services maintenant offerts à l’échelle mondiale, avec une valeur ajoutée résultant de l’innovation.

Il est crucial de reconnaître l’importance de la valeur ajoutée. Pensons aux fameux bleuets de la Nouvelle-Écosse, auxquels notre ami et collègue John Bragg a appliqué trois importantes innovations : (1) la congélation, qui a permis (2) de les vendre et de les livrer à travers le monde, ce qui (3) a accru remarquablement la popularité de ce fruit après que des chercheurs en eurent découvert les merveilleuses propriétés antioxydantes. Chaque progrès technologique et scientifique a ajouté de la valeur.

Ces exemples ont une signification importante dans notre contexte contemporain. Malgré les enjeux que représentent les prévisions démographiques et l’évolution de l’économie mondiale, le Canada atlantique peut être un concurrent valable dans n’importe quelle région du globe. Comme le font remarquer les auteurs du rapport Global Positioning Strategy, publié par le Conseil international du Canada, pour réussir dans le monde d’aujourd’hui, nous devons avant tout nous positionner au centre du réseau, plutôt qu’à la tête de la hiérarchie. L’innovation se produit souvent aux intersections où se croisent les collectivités, les universités et les entreprises, trois entités que l’on trouve en abondance dans le Canada atlantique. La qualité est également très élevée. Regroupez-vous, et vous verrez toutes les bonnes choses qui en découleront.

Cette approche, appelée écosystème, correspond tout à fait à la nature dynamique, non statique de l’innovation. En effet, la découverte de nouveaux horizons n’est jamais linéaire. L’innovation peut connaître un parcours sinueux, ralenti par de faux départs, des impasses et des expériences ratées. Rappelons-nous l’histoire de la presse à imprimer. Souvent, le synchronisme joue un grand rôle dans nos découvertes, comme en témoigne clairement l’histoire de tant de progrès scientifiques et technologiques.

Pourtant, un regroupement ou un écosystème fonctionnel est une approche qui a fait ses preuves et qui innove, grâce au constant va-et-vient des idées et des forces de l’intérieur et de l’extérieur. Il s’agit surtout d’identifier et de partager librement les besoins et les buts spécifiques et de communiquer constamment.

Comme je le dis souvent, la chose la plus pratique au monde est une saine théorie générale que l’on met continuellement à l’épreuve et que l’on peaufine en fonction de la réalité.

Faisons en sorte que notre théorie soit que le Canada atlantique puisse encore être reconnu comme une ouverture donnant accès à d’infinies possibilités, une ouverture qui permet au monde d’avoir accès au Canada et au Canada d’aller vers le monde. Travaillons ensemble à tester cette notion et à envisager de nouveaux horizons. J’ai la profonde conviction que nous le pouvons.

Merci.