BLOGUE : L'Afrique en marche...

Ce contenu est archivé.

26 avril 2010

par Son Excellence Michaëlle Jean

C’est une Afrique en marche que nous avons parcourue du Sénégal au Cap-Vert en passant par la République démocratique du Congo et le Rwanda.

Pourquoi aller en Afrique? À quoi bon? Pour y faire quoi? D’une fois à l’autre, ces mêmes questions fusent et diffusent une sorte d’indifférence qui s’appelle de l’afro-pessimisme. Or, bien que les défis soient nombreux et les misères bien connues, il y a une Afrique fière et forte qui résiste au fatalisme et qui se construit pas à pas. Ce sont des femmes, des hommes et des jeunes d’un grand courage, d’une formidable clairvoyance et assurément déterminés que la délégation canadienne et moi-même sommes allés saluer et soutenir.

Diplomatie de proximité à l’œuvre, nous avons, d’un pays à l’autre, multiplié les rencontres avec la société civile et engagé des échanges soutenus avec les dirigeants. Sans ménagement et sans complaisance. Il y a la façon de discuter des enjeux, toujours dans le respect de l’autre et partant d’un esprit de réciprocité. Sur cette base-là, le dialogue est toujours possible, ouvert et sincère. À cela, nos hôtes partout ont répondu.

Il est impératif que nous suivions de près les réalisations des populations, des communautés que nous appuyons de par le monde. Au terme d’un troisième voyage sur le continent africain, en 2006, 2009, puis 2010, je l’aurai traversé du Nord au Sud, d’Ouest en Est. Le Canada y est présent et doit le demeurer. Nous avons réussi jusqu’à présent à redonner du pouvoir et à renforcer les capacités des populations africaines en soutenant des projets sur le terrain dont les résultats sont probants. Nous avons des décennies durant accompagné leurs réflexions, leurs aspirations et leurs efforts. Alors que plusieurs pays africains célèbrent cette année le cinquantième anniversaire de leur indépendance, l’heure est aux bilans, au retour sur le passé, sur les épreuves et les réalisations, de façon à mieux définir le présent et mieux cerner les objectifs pour l’avenir.

Les conditions de vie restent difficiles, la gouvernance et l’état de droit sont souvent fragiles, l’insécurité demeure une préoccupation et un frein au développement, la corruption continue de gangréner bien des efforts, de nombreux paradigmes doivent changer, et cela, dans toutes les façons de faire, y compris du côté de la coopération internationale. Mais il faut continuer d’investir, et de façon responsable, dans le potentiel humain du continent, car là est sa plus grande richesse.

Un mot tout de même sur le reste de ses ressources naturelles, évidemment alléchantes, et sur le marché gigantesque que représente l’Afrique. De nombreux pays s’y intéressent de plus en plus : le Brésil, la Chine, l’Inde, la Corée, les États-Unis, pour ne citer que ceux-là. Mais, de nouvelles synergies se mettent en place entre les pays africains eux-mêmes qui veulent définir leurs propres stratégies locales, régionales et continentales et qui préfèrent que la communauté internationale, les gouvernements et les entreprises privées, les reconnaissent comme des partenaires à part entière et non plus comme des nations assistées, des zones d’exploitation libre et sauvage. Sortir de l’assistanat et gérer pleinement leurs biens, leurs politiques et leurs institutions, montrer ce dont ils sont capables, être reconnus dans leurs singularités et être entendus, voilà ce à quoi aspire l’Afrique en marche.

La route est longue, certes. Pas question de reculer cependant, nous ont dit toutes celles et tous ceux que nous avons rencontrés. Et nous avons été saisis par la vigueur des sociétés civiles. Les femmes africaines réclament partout la parité et l’égalité, le respect de leur intégrité physique et psychologique. Il m’a fait plaisir d’ajouter ma voix, celle de l’expérience canadienne, à celles de ces battantes. Des hommes de plus en plus nombreux les appuient et reconnaissent la part essentielle des femmes dans l’essor de leur pays, pour bâtir la paix et la prospérité. Les jeunes, en nombre imposant en Afrique, sont conscients de la force qu’ils représentent. Il faut faire en sorte qu’il y ait des opportunités suffisantes et qu’ils aient envie de rester et d’agir pour l’édification de communautés viables et en croissance.

Cette Afrique des possibilités avance et elle veut ardemment que le reste du monde le sache et participe à ce renouveau.