Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean - Discours à l’occasion d’un dîner d’État offert en l’honneur de Son Excellence Monsieur Victor Iouchtchenko, Président de l’Ukraine, et de Madame Kateryna Iouchtchenko

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Rideau Hall, le lundi 26 mai 2008

Monsieur le Président, Madame Iouchtchenko, sachez à quel point mon mari Jean-Daniel Lafond et moi-même sommes heureux de vous accueillir à Rideau Hall où, dès la salle de réception, s’affiche une vision ukrainienne du Canada.

En effet, dès mon installation dans la fonction de gouverneur général du Canada, je voulais que les murs de cette institution soient un hommage à l’esprit d’aventure et à l’audace des Canadiennes et des Canadiens, venus de tous les horizons, pour participer à l’édification de notre pays.

Mon choix s’est arrêté sans hésitation sur les toiles de William Kurelek, peintre canadien d’origine ukrainienne, qui raconte en images saisissantes la grande épopée de l’émigration ukrainienne vers le Canada, depuis la famine dans le pays natal jusqu’aux champs de blé dorés des Prairies, en passant par l’arrivée en bateau au port d’Halifax et l’installation dans les terres de l’Ouest canadien.

Cette volonté d’échapper à la misère provoquée par un régime de terreur et de s’enraciner dans un pays de tous les possibles, comme j’aime à le dire, parle à beaucoup de mes compatriotes. Aussi suis-je heureuse qu’un peintre, dont les parents sont d’origine ukrainienne, l’évoque avec autant de force. Ainsi est le pouvoir de l’art de transcender les frontières et de réunir les peuples en un seul et même combat.

Je suis heureuse de constate que vous, Monsieur le Président et Madame Iouchtchenko, avez fait de l’expression culturelle un enjeu prioritaire.

Comme vous le savez, il y a au Canada plus de 1 200 000 citoyennes et citoyens d’origine ukrainienne, soit la population d’origine ukrainienne la plus importante au monde à l’extérieur de l’Ukraine et de la Russie.

Au fil de nombreuses générations d’immigrants ukrainiens au Canada, partout sur le territoire, dans l’est comme dans l’ouest, nos liens d’amitié n’ont cessé de s’approfondir.

D’ailleurs, plusieurs d’entre eux ont joué et continuent de jouer un rôle clé dans tous les secteurs de notre société.

Je mentionnerai notamment mon prédécesseur, le très honorable Ramon Hnatyshyn, l’ancien lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan Sylvia Fedoruk, l’ancien lieutenant-gouverneur du Manitoba Peter Liba, l’ancien premier ministre du Manitoba Gary Filmon, l’ancien premier ministre de la Saskatchewan Roy Romanow, le premier ministre de l’Alberta Ed Stelmach, l’ancien juge de la Cour suprême du Canada John Sopinka, la comédienne Luba Goy, le musicien Ivan Doroschuk, et le propriétaire de notre équipe d’hockey, les Sénateurs d’Ottawa, Eugene Melnyk.

Ces dernières années, le Canada tout entier a suivi de près, avec enthousiasme, les efforts déployés par l’Ukraine pour sortir de la répression et accéder enfin à la démocratie.

Le 2 décembre 1991, le Canada a d’ailleurs été le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine, et plusieurs protocoles d’entente ont été conclus depuis dans des domaines aussi considérables que le commerce, la coopération technique, la défense et l’entraide juridique.

De plus, le programme de l’Agence canadienne de développement international en Ukraine est l’un des plus importants en Europe de l’Est et se concentre surtout sur la bonne gouvernance, le développement démocratique et le renforcement de la société civile.

C’est dire à quel point la réussite de la nouvelle Ukraine, oserais-je dire, nous tient à cœur et que votre avenir nous semble prometteur.

Votre pays a beau n’avoir que 16 ans, mais comme le rappelait dernièrement Madame Ioutchenko au World Movement for Democracy, il compte plus de 7000 ans d’histoire et de ténacité.

Nos vœux de prospérité et de bonheur sont d’autant plus vifs, Monsieur le Président, que nous voyons votre pays marquer des pas décisifs en vue de reconquérir une liberté longtemps bafouée et d’assurer pleinement son rôle de nation responsable sur la scène internationale.

Nous vous en félicitons, Monsieur le Président.

La révolution « orange » s’est manifestée comme une grande explosion d’espoir et comme la victoire de la liberté. Tout un peuple s’est élevé d’une seule voix et a dit non à l’injustice, non à la répression, non à la censure, non à la fraude électorale.

Cette révolution annonçait des changements essentiels à la vie démocratique de votre pays.

Mais il restait à réaliser le plus important : mettre en œuvre ces changements. 

Comme vous le dites vous-même, Monsieur le Président, « le parcours est difficile, mais il est malgré tout réel, avec des résultats concrets et, j’en suis convaincu, durables ».

Il vous restait, en effet, à créer des institutions démocratiques, à stimuler l’économie, à faire régner la primauté du droit et à favoriser l’éclosion d’une société civile.

Nous toutes et tous, ici présents, nous réjouissons que l’Ukraine soit sur la bonne voie  et que, selon les mots prophétiques de l’un de vos grands poètes, Taras Shevchenko, que « la liberté se tienne main dans la main avec la justice sur le seuil de vos terres ».

Ce que vous avez entrepris collectivement pour donner aux citoyennes et aux citoyens de l’Ukraine les moyens de défendre librement leurs positions, de protéger leurs droits et de participer à l’apprentissage de la démocratie est digne de tous les éloges de la communauté internationale.

Aussi le Canada est-il fier de vous le dire de nouveau ce soir.

Monsieur le Président, permettez-moi, en cette année de commémoration des victimes de l’Holodomor en Ukraine, d’avoir en votre présence une pensée toute particulière pour tant de vos compatriotes victimes de « despotisme brutal », comme le disait le premier ministre du Canada le 28 novembre 2007.

C’est dans cet esprit que le Canada a alors fièrement coparrainé la motion du gouvernement de l’Ukraine à l’UNESCO en vue d’honorer les millions de gens qui ont péri de la famine.

Nous saluons leur mémoire et, aujourd’hui, c’est vers l’avenir que nous, Canadiens et Ukrainiens, avançons avec l’espoir que plus jamais ne se répète la barbarie du siècle dernier.

Et c’est en raison de la solidarité qui nous unit et de notre volonté commune de voir triompher la dignité et le respect des droits de la personne que je me réjouis ce soir, monsieur le Président, de l’amitié si riche entre nos deux pays.

Longue vie à cette affection qui unit nos peuples!