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Edmonton (Alberta), le mardi 6 juin 2017
Je souligne que nous sommes réunis ici aujourd’hui sur le territoire visé par le Traité no 6, territoire traditionnel des Premières Nations et des Métis.
Quel privilège de me retrouver ici pour l’ouverture de cet impressionnant collège nommé en l’honneur de Peter Lougheed.
Peter était un ami proche, un grand Albertain et un grand Canadien. Il a servi cette province et ce pays avec un dévouement et une compétence extraordinaires pendant de nombreuses années. Il avait profondément à cœur le bien public et on se souviendra encore longtemps de ses réalisations.
Il est tout à fait pertinent d’ouvrir ce collège en son nom. Peter comprenait très bien, comme tous les dirigeants, que le leadership est une responsabilité d’une importance capitale.
Et il comprenait aussi que l’un des fondements d’un bon leadership consiste à reconnaître son entière dépendance envers ceux avec qui on travaille et ceux qu’on dirige.
De la même manière, ceux que vous dirigez dépendent de vous. Ils dépendent de votre jugement, de votre dévouement, de vos capacités et de votre confiance. Ils dépendent de votre honneur. Ils dépendent aussi de vous pour créer un environnement où ils pourront exceller — où ils pourront accomplir leur travail à la hauteur de leurs talents, et même parfois au-delà.
Cela peut sembler intimidant, mais ce n’est pas nécessairement le cas. En fait, pour un grand dirigeant, c’est même plutôt inspirant et rassurant. En vérité, un dirigeant n’est jamais seul; il fait plutôt partie d’une équipe, où le mot « nous » est beaucoup plus important que le mot « moi ».
Du moi au nous — du singulier au pluriel. C’est l’une des leçons les plus fondamentales en matière de leadership, que ce collège ne manquera certainement pas de rappeler aux étudiants de multiples façons.
Permettez-moi maintenant de vous raconter une histoire qui démontre la vision et le leadership de Peter Lougheed et dont j’ai tiré certains enseignements.
Cette histoire s’est déroulée peu de temps après la chute du mur de Berlin. Un jour, lorsque j’étais principal à McGill, j’ai reçu un appel de Peter, qui présidait alors la Fondation Mikhaïl Gorbachev au Canada.
Après avoir enclenché une série de transformations spectaculaires dans ce qu’on appelle maintenant l’ex-Union soviétique, M. Gorbachev n’était plus au pouvoir à ce moment. Il était au Canada dans le cadre d’une série de conférences, et Peter venait de m’informer qu’il devait se rendre à Montréal d’ici une semaine.
Comme il s’intéressait passionnément à l’apprentissage et à la prochaine génération, Peter avait demandé à M. Gorbachev d’essayer de trouver du temps pendant qu’il était à Montréal pour participer à un séminaire à McGill et y rencontrer les étudiants. Nous avons alors accepté l’offre de Peter et organisé un groupe d’experts qui devait être composé de Pierre Trudeau, du philosophe Charles Taylor et de M. Gorbachev.
À McGill, nous étions bien sûr enthousiastes à l’idée de participer à cet événement. Nous voulions offrir au plus grand nombre de gens possible la chance d’assister à ce séminaire exceptionnel. Nous avions même pensé louer le Forum de Montréal, l’ancien domicile des Canadiens, ce qui aurait permis à 18 000 étudiants de prendre part au séminaire!
Toutefois, les organisateurs nous ont dit que ce n’était pas souhaitable. Ils pensaient que cela nuirait au dîner de financement qui était prévu au Ritz Carleton plus tard en soirée, et qu’il fallait que l’activité soit un séminaire qui se tiendrait dans une salle de conférence. Nous avons alors préparé un nouveau plan d’action. Chaque fois que le comité organisateur avait des objections, je disais simplement : « Peter est d’accord » et je le disais sans même vérifier auprès de lui!
En passant, c’est justement cela que j’entends quand je dis qu’on est entièrement dépendant de ceux qu’on dirige!
Voici où je veux en venir : Peter m’a fait confiance pour organiser l’événement, et cette confiance était fondamentale pour nous. Nous avons été à la hauteur du défi, et ce qui en a résulté a été la plus magnifique discussion imaginable dans la plus grande salle de conférence de McGill. Nous avons appelé l’événement : Un séminaire avec le président Gorbachev et l’avons tenu dans le Pavillon des Arts. La salle était bondée et le séminaire a été diffusé dans d’autres salles de classe de l’université et dans d’autres collèges et écoles secondaires francophones et anglophones de Montréal, pour ainsi rejoindre des milliers d’étudiants.
J’ai tiré beaucoup d’enseignements importants de cette expérience particulière à travailler avec Peter — en fait, bien plus que je ne pourrais mentionner ici. Mais l’un des enseignements les plus importants est cet élément de confiance. Il est si fondamental de pouvoir à la fois faire confiance et être digne de confiance. En tant que dirigeants, ce sera l’un de vos grands défis, car nous vivons à une époque où la confiance s’effrite dans de nombreux secteurs.
Nul doute que ce sera un sujet qui suscitera beaucoup de discussion dans ce collège du leadership. Et cela est tout à fait dans l’ordre des choses, car le leadership n’est rien de moins qu’un sujet complexe et multidimensionnel.
Je vous souhaite le plus grand succès dans cette voie.
Merci.