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18 septembre 2008

par Son Excellence Michaëlle Jean

Il y a moins d’un an, en décembre 2007, s’éteignait Norval Morrisseau, l’un des peintres canadiens les plus remarquables des 50 dernières années. Source d’inspiration pour des générations d’artistes et de fierté pour les Canadiens, son œuvre est saluée au-delà de nos frontières pour sa singularité et sa force. Morrisseau s’est fait un ardant interprète des mythes et légendes de Ojibwés. Dans ses célèbres songes colorés, il illustre les récits ancestraux et leur donne une vie nouvelle, un ancrage et une pertinence au cœur des réalités d’aujourd’hui en nous révélant leur indéniable portée universelle.
 
Alors que je visitais l’exposition consacrée aux lauréats des Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques au Musée des beaux-arts du Canada en mars dernier, j’ai également parcouru une salle consacrée à une magnifique sélection d’œuvres de Norval Morrisseau. J’ai été saisie par l’une d’elles, renversante et lumineuse, un tableau monumental, d’une effervescence stupéfiante dont Morrisseau avait fait don, en 1983, au peuple du Canada par le biais de la collection du Centre d’art indien et inuit du ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada.

Le titre déjà, Androgyny, est une invitation à plonger dans la vision qu’il a de la fusion des êtres et des éléments, de l’harmonie qui existe entre les peuples, de la complémentarité dans la rencontre des civilisations. L’art nous aide à traverser l’opacité du monde; c’est ce qui fait sa force et le rend essentiel. Morrisseau le chaman  voyage entre les mondes pour conjurer le mauvais sort et l’adversité. Avec Androgyny, il nous convie au dialogue et montre que lorsque l’Un s’unit à l’Autre , ils deviennent Un.

Le moment est venu de rendre le grand tableau de Jean Paul Lemieux, Charlottetown Revisited, au Centre des arts de la Confédération. L’institution  nous l’avait prêté pendant deux ans et je l’avais fait installer dans la Salle de bal où se tiennent les cérémonies et les événements publics à Rideau Hall. Au tour d’Androgyny de devenir l’une des œuvres les plus visibles au pays. Elle dira avec éloquence la richesse de nos liens avec les premiers peuples,  ceux avec qui nos racines sont les plus profondément ancrées au Canada.

Le choix de cette œuvre tient compte de l’une des recommandations faite par des participants au Point des arts pancanadien tenu à Banff en avril dernier, soit « d’appuyer la capacité des artistes et des communautés des Premières Nations de créer, produire, diffuser et participer pleinement et équitablement au milieu des arts. » Cette installation à Rideau Hall d’une œuvre imposante que nous ait léguée l’un des plus grands artistes canadiens issu des Premières Nations témoigne avec force de la présence des peuples autochtones, de leur apport inestimable à notre culture et de cette rencontre des civilisations qui marque notre histoire.