Événement dans le cadre de la Journée internationale des femmes – Table ronde avec des femmes influentes

Le 8 mars 2023

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Bonjour,

Merci Reepa de nous permettre d’observer cet incontournable qulliq. C’est merveilleux de voir autant de leaders féminines et de femmes représentant leur pays ou occupant d’autres postes si essentiels. Quelle belle journée pour se rassembler toutes ensemble afin de mener cette discussion.

Je suis heureuse de vous accueillir à l’occasion de cette Journée internationale des femmes.

Je tiens à reconnaître que nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe, qui vit sur cette terre et en prend soin depuis des milliers d’années.

Et nakurmiik, Reepa, pour l’allumage du qulliq et pour votre leadership et votre engagement en faveur de la santé mentale et du bien-être. Vous avez tant fait pour nos concitoyens à Ottawa et dans le Nord. Je suis très heureuse que nous puissions allumer ce qulliq – il vient de ma région natale du Nunavik, près de la communauté d’Inukjuaq, dans sa nouvelle demeure à Rideau Hall. Le qulliq représente pour moi un attachement physique à mon lieu d’origine et à ma culture. Quelle bonne raison de l’allumer pour la première fois dans le cadre de cette importante discussion sur l’importance du leadership des femmes et de la nécessité de travailler ensemble pour créer des espaces sûrs et propices à un dialogue respectueux. Le qulliq procure non seulement de la lumière et de la chaleur, mais il symbolise aussi la force, la sollicitude et l’amour des femmes inuites, des valeurs qui se transmettent de génération en génération.

Je vous souhaite la bienvenue à Rideau Hall pour cette importante discussion.

Nous célébrons aujourd’hui la Journée internationale des femmes. Les contributions des femmes sont célébrées dans le monde entier. Les raisons sont nombreuses de se réjouir, car la société a beaucoup progressé sur la voie de l’égalité pour les femmes et les filles. Mais le travail est loin d’être terminé.

Nous devons reconnaître certaines vérités très difficiles à admettre.

Vous avez peut-être entendu dire que nous avons récemment fermé la section des commentaires sur toutes nos plateformes en ligne. Nous avons pris cette décision sans précédent en raison des attaques acerbes à caractère misogyne et raciste que nous recevions.

J’accueille à bras ouverts les critiques et les remarques constructives. Pourtant, chaque jour, nous recevions un bombardement de mots blessants – notamment des attaques contre ma personne

en tant que femme,

en tant que personne d’un certain âge,

en tant qu’Inuite.

Et je ne suis pas la seule à subir cette situation.

Malheureusement, je sais très bien que je ne suis pas la seule.

Des statistiques révèlent que chaque année, de nombreuses femmes sont victimes de violence en ligne dans le monde. Cette violence entraîne des effets dévastateurs pour les femmes en ce qui concerne leur engagement dans la vie civique, leur confiance en soi et leur santé mentale, et peut compromettre leurs activités professionnelles. Et ce type de violence s’ajoute aux menaces verbales et physiques que les femmes subissent dans leur vie de tous les jours. L’ampleur et la gravité de ces statistiques sont renversantes.

Mais ce sont les récits qui restent gravés dans ma mémoire. Des récits qui suivent une trame familière : une femme se hisse à un rang élevé, la désinformation et les attaques sur les réseaux sociaux commencent – dépassant largement le cadre du respect – et la femme démissionne ou constate que sa santé mentale est affectée. Or, comme nous le savons, notre santé mentale et notre santé physique sont étroitement liées.

Quelques exemples récents me viennent à l’esprit :

  • Melanie Mark, première femme issue d’une communauté des Premières Nations à siéger à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique.
  • Nicola Sturgeon, première ministre de l’Écosse.
  • Jacinda Ardern, première ministre de la Nouvelle-Zélande.
  • Sanna Marin, première ministre de la Finlande, qui est la plus jeune chef d’État en fonction dans le monde et la plus jeune première ministre de l’histoire de la Finlande. Elle a dû composer avec la surveillance des médias en raison de son jeune âge et de son genre. J’ai eu l’immense privilège de m’entretenir avec elle lors de ma visite d’État en Finlande le mois dernier, et j’ai été inspirée par sa fougue, sa gentillesse et ses connaissances.

Et il y a celles qui sont présentes ici aujourd’hui. Nombre d’entre vous, si ce n’est pas toutes, ont été confrontées aux défis persistants et tout à fait inutiles d’être une femme sur la scène publique. Chaque personne compose différemment avec les réactions du public et leurs impacts. Certains diraient d’ignorer les commentaires, ou de ne pas les regarder, ou encore d’en faire abstraction.

Cela est plus facile à dire qu’à faire.

Une chose demeure certaine : le harcèlement en ligne, peu importe la réaction qu’il suscite, porte atteinte à notre identité, à notre résilience et à notre personnalité. Il peut miner notre confiance et nous amener à limiter la portée de nos ambitions.

Lorsque l’une d’entre nous est attaquée, nous sommes toutes attaquées. 

Il nous faut une approche mondiale concertée pour créer des environnements en ligne sûrs pour les femmes et les jeunes filles. Un espace où il est possible de partager des informations sans désinformation. Un espace où notre prochaine génération de leaders entrevoit l’espoir, et non le désespoir. Et ce n’est qu’ensemble que nous pourrons susciter un élan de changement.

C’est en travaillant ensemble que nous allons changer les choses. Et il faut changer les choses.

...Il faut changer les mentalités.

...Il faut mobiliser les hommes.

...Il faut élargir l’accès des femmes aux postes de haut niveau.

J’ai la chance de pouvoir m’entretenir avec tant de leaders influentes. Ce matin encore, Son Excellence Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et moi avons parlé du courage et de la résilience dont font preuve les femmes et les filles du monde entier.

Je suis particulièrement inspirée par la jeune génération, qui est plus prompte à s’opposer au harcèlement en ligne, harcèlement qui se fait largement sous l’anonymat. Prenons l’exemple de Greta Thunberg qui a récemment enflammé le Web en donnant une réponse cinglante à un internaute misogyne. Les jeunes femmes sont de plus en plus nombreuses à faire preuve de leadership et à susciter le changement. Elles ont grandi comme des cybercitoyennes et comprennent bien les blessures causées par la violence en ligne. Leurs attentes sont élevées quant au traitement qui doit leur être réservé, en particulier par leurs homologues masculins – l’égalité étant censée être un droit fondamental de l’être humain. Je sais que nous sommes toutes animées de ces mêmes attentes.

Tout au long de ma carrière, pendant que je me battais pour les droits des Inuits, il m’est souvent arrivé d’être entourée par des hommes, j’étais négligée, ignorée et sous-estimée en raison de mon identité. Parfois, on me rabaissait, comme si mes opinions ne comptaient pas ou que je ne comprenais pas les questions en jeu. Dans ces cas-là, j’avais deux choix : m’asseoir et encaisser, ou me lever et me faire entendre.

Je me suis levée.

Je me suis fait entendre.

Des valeurs essentielles aux Inuits et aux autres peuples autochtones, ainsi qu’à toutes les femmes qui m’ont suivie.

Et il fallait le faire pour le bien de la réconciliation. Pensez que lorsque les femmes et les filles autochtones sont victimes d’abus en ligne, avec des propos racistes et stéréotypés, c’est le processus de réconciliation qui en est affecté aussi.

Dans cette salle, je vois des personnes qui ont été confrontées à des défis et à des parcours similaires.

Nombre d’entre vous ont suivi le même chemin; vous vous êtes battues pour vos communautés, pour votre culture, pour votre pays, pour votre carrière et pour la vérité.

La tâche n’est pas si facile lorsqu’on est aux prises avec des critiques impossibles à affronter directement, en personne. Nous sommes nombreuses à avoir dû apprendre très vite, et à continuer d’apprendre, comment maîtriser les nouvelles technologies et les dangers des chambres d’écho en ligne.

Au cours de nos échanges d’aujourd’hui, je vous encourage à raconter vos expériences et à proposer vos idées sur la manière de faire avancer les choses. Il nous incombe de veiller à ce que la prochaine génération puisse nourrir ses ambitions et préserver sa santé mentale dans un environnement empreint de respect. Notre société et notre monde ont besoin de leurs idées.

En tant que gouverneure générale, je représente toute la population canadienne, et je m’attends à recevoir des critiques et des opinions divergentes – à vrai dire, c’est ce que je souhaite. Mais je ne laisserai pas le manque de respect et de dignité humaine caractériser l’avenir de nos échanges et de nos relations les uns avec les autres.

C’est notre mission, c’est notre responsabilité. Je compte bien faire évoluer les pratiques dans ce domaine.  Je veux mobiliser les jeunes, qui apprennent tôt dans leur vie qu’ils devront acquérir des compétences et faire preuve de résilience pour exploiter ces outils de communication de manière constructive. Je veux contribuer à la sensibilisation en partageant mes expériences. Je veux soutenir et rehausser la diversité des voix féminines pour aider à changer les perspectives des gens.

Je remercie les femmes chefs de mission diplomatique à Ottawa. Votre présence aujourd’hui et votre engagement en faveur du dialogue me remplissent d’optimisme et de détermination.  Je sais que tout le monde a hâte de se lancer dans les discussions.

En cette Journée internationale des femmes, prenons l’initiative de susciter un élan durable pour le changement. Préparons le terrain pour un monde meilleur, plus sûr et plus inclusif pour les femmes et les filles.

Mettons-nous au travail.

Et surtout, travaillons ensemble.

Merci.