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Fredericton, le mercredi 16 mai 2007
Vous savez, comme moi, que la violence familiale est une tragédie.
Mais elle ne devrait pas être un sujet tabou.
Lorsque j’ai été nommée à la fonction de gouverneur général du Canada, je me suis engagée à tenter de briser les solitudes.
Et je sais que la violence familiale est l’une des pires solitudes.
L’expérience, ou plutôt des années d’expérience me l’ont appris.
Au fil des ans, j’ai accompagné des centaines de victimes et leurs enfants dans le cadre du travail que j’ai mené en vue de créer, au Québec, des refuges pour femmes fuyant une situation de terreur quotidienne, la peur, la violence, l’humiliation. J’ai accompagné ces femmes qui avaient tant besoin de regagner confiance en elles-mêmes, de se sentir en sécurité et de retrouver l’estime de soi.
Et depuis que je suis gouverneure générale, je suis allée à la rencontre de nombreux groupes de femmes d’un bout à l’autre du Canada et dans le monde, comme en Afrique où je me suis rendue l’automne dernier et, plus récemment, en Afghanistan, à l’occasion de la Journée internationale de la femme.
Toutes ces conversations que j’ai eues révèlent hélas un triste constat : la violence est une réalité quotidienne dans la vie de nombreuses femmes.
Or, la femme qui se tient devant vous continue de croire que le droit des femmes d’être protégées contre l’oppression, la discrimination et la violence est fondamental.
J’ajouterais même que ce droit fait partie des valeurs qui définissent notre citoyenneté en ce pays, des valeurs qui sont notre véritable richesse collective. Des valeurs que j’ai toujours à cœur de défendre.
J’ai été, sur la route, le témoin privilégié de tant de gestes courageux et de paroles prometteuses que j’ai envie de vous en donner une petite idée.
Dans un refuge, à Winnipeg, entièrement administré par des femmes autochtones, je les ai vues se prendre en main et, de toutes leurs expériences, leurs réflexions, leur compétence, aider des femmes victimes de violence, de toutes les origines et de tous les horizons, autochtones, non-autochtones et immigrantes, à s’en sortir.
Voilà des femmes qui ne sont plus des victimes, mais des aidantes aguerries.
À Iqaluit, le témoignage très digne d’une femme inuite, libérée de la violence qu’elle subissait enfant, était lumineux. Elle aussi, cette femme du Nunavut n’est plus une victime; elle est aujourd’hui cheffe de file dans sa communauté, où plusieurs groupes se mobilisent contre la violence.
À Montréal, à l’invitation du Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violence, que j’aime aussi appeler mon alma mater, trente représentants de divers organismes m’ont exprimé le désir de mettre en commun leurs ressources et de travailler ensemble à la prévention, à la sensibilisation et à la protection.
Cela m’a semblé d’autant plus judicieux que, partout au Canada, celles et ceux qui luttent contre la violence faite aux femmes conviennent tous de l’urgence d’unir les efforts.
À Régina, treize femmes chefs autochtones m’ont parlé de la façon dont elles assumaient leur poste d’autorité, souvent dans des conditions difficiles, et de leur volonté d’attaquer de front les problèmes de la traite et de la disparition des femmes dans leurs communautés.
À Toronto, les groupes que j’ai rencontrés m’ont fait part de la pauvreté des femmes et du poids de la discrimination économique qui pèse sur elles. Elles ont aussi insisté sur la situation de plus en plus critique vécue par les femmes immigrantes qui ne sont pas toujours au courant de leurs droits et qui n’en sont que plus vulnérables.
En somme, je peux vous assurer que, non seulement les problèmes sont nommés avec force partout, mais que des solutions émergent de tous les milieux où je me suis rendue. Il est même des municipalités comme Charlottetown qui prennent fermement position contre la violence faite aux femmes.
Et ce ne sont là que quelques exemples qui sont autant de signes d’encouragement. Il me tarde d’entendre les vôtres.
Chose certaine : il nous reste à dresser la liste exhaustive de nos réalisations pour avancer dans nos actions et dans notre réflexion. Il faut trouver et multiplier les occasions de le faire.
Et pourquoi ne pas voir dans ces échanges l’amorce d’un dialogue national sur la violence faite aux femmes, centré cette fois-ci sur ce que nous avons trouvé de mieux pour y faire face, trop souvent isolément et sans possibilité de partage?
Je réfléchis ces jours-ci au meilleur moyen d’élargir ce dialogue au Canada car, partout, on m’en a exprimé vivement le souhait. Le temps est venu de mesurer ce que nous avons accompli pour mieux aller de l’avant.
C’est dans cette perspective que j’envisage la rencontre d’aujourd’hui et que je souhaite de tout cœur une collaboration fructueuse entre nous.
Mais je suis ici aujourd’hui pour vous écouter et j’espère de tout cœur que ce tour d’horizon nourrira votre propre démarche.
À vous la parole.